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sous l’impulsion directe de ce mécanicien, et, pour ainsi dire, à sa volonté, de la législation et du gouvernement, elle fait de lui, du premier venu qui s’en saisit, qui a du coup d’œil et de la poigne, le chef effectif du parti, le maître réel de l’Etat, et, — en nous défendant humblement de vouloir rééditer à l’usage des temps nouveaux l’immortel Libro del Principe, ne retirons pas le mot, mais, au contraire, répétons-le, — le « prince » de nos modernes, tout électives et tout électorales démocraties ; le parfait démagogue ; cette espèce de « surhomme » que sa propre audace impose à la foule passive et imitatrice des hommes.


I

En Angleterre, avant la réforme de 1832, la mécanique était extrêmement simple. Les associations politiques, ou s’occupant d’objets plus ou moins politiques, n’y étaient pas tout à fait inconnues ; mais il y en avait peu, et elles s’agitaient peu. La première forme, imprécise et rudimentaire encore, de l’association politique semble avoir été le club, qu’on vit apparaître pour la première fois avec le « café, » vers 1650. De bonne heure, le coffee house devint un lieu de rendez-vous et de conversation politique. On fit même mieux, — ou plus, — que d’y causer. Ainsi, dès 1659, dans un de ces cafés, récemment créés, les habitués, « des républicains avides de libre discussion, se livraient à des débats politiques en règle suivis de votes au scrutin. » L’auteur de l’Oceana, Harrington, y fréquentait assidûment, et l’on a supposé que le nom pris par la réunion, la Rota, pourrait venir du système qu’il préconisait, — et que nous retrouverons ailleurs, — de la « rotation » dans les emplois. Si d’autres applications du même mot, et notamment un illustre exemple, la Sacra Rota Romana, rendent cette étymologie douteuse ; si, peut-être, la Rota d’Harrington n’était tout bonnement qu’un « cercle, » quelque divan où l’on s’asseyait en rond, et si la rotation dans les emplois n’a pas grand’chose à faire en tout cela, il n’importe : ce fut là le premier, ou l’un des premiers spécimens de cette première forme d’association politique, le club.

Ni celui-ci, du reste, ni ceux des Jacobites, les Rump clubs, ni ceux des whigs, les Calf’s Head clubs, n’eurent une longue vie. Ils végétèrent, étiolés, jusqu’aux beaux jours de la reine Anne, au commencement du XVIIIe siècle, qui en firent éclore une