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le style, de la plus pure antiquité. Une autre fois, estimant nécessaire à sa poésie le concours ou le secours de la musique, il publiait à la suite du second livre de ses odes et sonnets les chants écrits pour ce recueil par quelques-uns des maîtres contemporains.

Aussi bien les plus illustres de ceux-ci ne se montraient ni insensibles ni ingrats. C’est à l’envi que les Goudimel, les Jannequin, les Costeley, le « plus que divin Orlande » et tant d’autres ; se faisaient les musiciens d’une poésie faite pour eux. Ils honorèrent même au-delà du tombeau leur illustre collaborateur. Mauduit écrivit un Requiem pour les funérailles de Ronsard et la mémoire du grand lyrique, ainsi que son œuvre, fut chantée.

De moins grands que lui : les Baïf, les Remy Belleau, les Dorat, les du Bellay, les Pontus de Tyard, n’ont aimé la musique ni d’un moindre ni d’un autre amour : j’entends qu’eux aussi la croyaient et la voulaient inséparable de la poésie. « Omnia Pontus erat, » a dit de Pontus de Tyard un de ses contemporains. Tous alors étaient comme lui poètes et musiciens ; un peu philosophes même, habiles et se plaisant à raisonner sur la double nature de leur art. En tête de la « Musique » de Costeley, Baïf inscrit ce regret et ce vœu :


Jadis musiciens et poètes et sages
Furent mêmes auteurs ; mais la suite des âges,
Par le temps qui tout change, a séparé les trois.
Puissions-nous, d’entreprise heureusement hardie,
Du bon siècle amener la coutume abolie,
Et les trois réunir sous la faveur des roys.


Ce, peu de vers contient le triple objet d’une grande institution, tout l’esprit ou tout l’idéal de cette compagnie littéraire, musicale et philosophique, que fut l’Académie des derniers Valois[1].

Baïf le poète et le musicien Thibaut de Courville, qui la fondèrent, Charles IX, qui s’en déclara le protecteur, ne se proposèrent autre chose que de rétablir l’accord antique entre la musique et la poésie. Les statuts de l’Académie, « dressée à la manière des anciens, » et les lettres patentes accordées à ses deux

  1. Voir sur ce sujet l’ouvrage de M. Édouard Fremy : l’Académie des derniers Valois. Paris, 1887, E. Leroux.