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dans le makhzen, à des règles très strictes. Il n’y a pas un détail de la vie qui échappe à la qaïda ; et ce protocole, dont la moindre violation fait scandale, contribue pour beaucoup à maintenir la sévère discipline du personnel makhzénien, en donnant à ses principaux membres une réelle apparence d’autorité, au regard des Marocains aussi bien que des étrangers. Les rapports entre gens makhzen sont soumis à de minutieux usages. Chacun sait d’avance quelles visites il doit rendre, quelles invitations, quels cadeaux il doit faire ou recevoir, quelles félicitations il doit apporter pour les fêtes de famille, circoncisions, ou mariages, quelles formules de politesse ou quelles courtoisies il doit employer dans son langage et dans ses lettres. En abordant les grands de ce monde, on observe la façon dont il faut leur baiser la main ou l’épaule, et l’on n’aurait garde de s’adresser à un vizir, sans le saluer de son titre de feqih, qui veut dire docteur ou savant. Dominés par leur grandeur, les vizirs sont tenus à une extrême réserve ; ils attendent chez eux les visiteurs qu’il leur convient d’admettre, mais ils ne sauraient rendre aucune visite.

Parmi la cohue nomade qui forme le makhzen, le temps a fait émerger un certain nombre de grandes familles, qui, depuis des générations, ne se séparent point de la Cour et, par une sorte de privilège héréditaire, y fournissent des candidats aux plus hautes fonctions. Certaines de ces familles sont particulièrement distinguées. Les ancêtres du pacha actuel des Chéraga, Ould-Ba-Mohammed-ech-Chergui, figurent depuis deux siècles à la tête de cette tribu makhzen, depuis qu’une fille de leur famille, ayant épousé Moulay-Abdallah, est devenue la mère du sultan Sidi Mohammed. Le gouverneur de Fez, Si Abd-er-Rahman-ben-Abdessadok, est un Riffain du guich de Tanger, dont les ancêtres descendirent de la montagne pour diriger la guerre sainte contre les Anglais, possesseurs de la ville ; depuis la reprise de Tanger, à la fin du XVIIe siècle, les Abdessadok sont devenus les plus importans personnages du Nord du pays. Plusieurs générations de Ben-Daoud ont fourni des gouverneurs à la ville de Marrakech. Chez les Bouakhar, il y a quelques familles considérables : les Knichech sont de père en fils pachas de Mékinez ; les Ben-Yaïch se succèdent comme caïds-el-méchouar. Le nom de Ba-Ahmed illustre les corporations d’esclaves nègres. Depuis sa reconstitution, le guich d’Ehl-Sous appartient aux Faradji, et