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Observons, en outre, que si, après vingt-cinq ans de luttes opiniâtres, le procédé Bessemer est arrivé à s’imposer, c’est à la chimie qu’il le doit. N’est-ce pas, en effet, avec les fontes manganésées de Mushet, avec la chaux de Thomas et Gilchrist, véritables réactifs choisis en connaissance de cause et dosés avec précision, que cette science s’est définitivement introduite dans la grosse industrie métallurgique ?

Cependant, pour la fabrication de l’acier, l’admirable procédé dont nous venons d’examiner les perfectionnemens successifs présente, quand même, un grave inconvénient : il se prêtera toujours mal, en effet, par suite de la rapidité des réactions, à la production d’aciers de qualités variées. Force sera toujours, avec un convertisseur, de se limiter à la fabrication d’une nuance bien déterminée, à laquelle le personnel chargé de l’opération finira par s’habituer à la longue. De plus, quoique Bessemer lui-même ait donné sa méthode comme « fournissant du fer et de l’acier sans dépense de combustible, » en réalité, si l’on examine les choses de près, on s’aperçoit que cette assertion ne peut être adoptée sans réserves : il faut compter, en effet, d’abord avec la dépense de charbon nécessaire au chauffage de la cornue, qu’il est indispensable de porter au blanc avant l’arrivée de la fonte, ensuite avec la force absorbée par les machines de manœuvre et, surtout, par la soufflerie, organe indispensable d’une installation Bessemer. Aussi, à cette heure, le procédé mis en avant par Martin, vers 1865, et dont le développement a été, pour ainsi dire, parallèle à celui du Bessemer, tend à devenir pour ce dernier un concurrent redoutable, tout en restant son auxiliaire dans un grand nombre de cas.

C’est en ajoutant à la fonte de vieux fers, des déchets du Bessemer, ou du minerai, ou, mieux, un mélange de déchets et de minerai que, dans ce procédé, on la transforme en acier : aussi ce mode d’affinage doit-il être considéré comme un véritable retour offensif du puddlage, preuve indéniable que, dans l’industrie comme ailleurs, il faut se garder de la superstition du progrès. Seulement, pour que cette sorte de régression fût praticable, il était nécessaire, puisque c’est de l’acier qu’on fabrique, et qu’on le veut homogène, de pouvoir obtenir sa fusion parfaite et en grande masse sur la sole d’un four. C’est cette opération, regardée jusqu’alors comme impraticable, que l’ingénieur Martin sut réaliser : l’acier fondant entre 1 400 et 1 500