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Dans ces appareils, chauffés à la flamme de la houille, et maintenus constamment par cette flamme à la température de fusion de la fonte (1100 degrés à peu près), ce métal, traité soit par des battitures, soit par des minerais, soit encore par un mélange de battitures et de minerais, était soumis, jusqu’à sa transformation en fer, à un brassage puddling, énergique. Mais, quoiqu’on puisse, à la rigueur, porter la température d’un four à puddler aux environs de 1 300 degrés, cette température est encore trop basse pour obtenir la fusion complète du fer, qui n’a lieu qu’entre 1 600 et 1 700 degrés. Aussi le puddlage est-il une opération pénible et coûteuse : il suffit d’avoir vu travailler la pâte froide du pain chez un boulanger, pour comprendre ce qu’est le brassage d’une pâte de fer, au bout d’énormes ringards, à l’entrée d’un four chauffé aux températures que nous venons de donner. De plus, pour donner au fer ainsi obtenu (fer puddlé, fer forgé) l’homogénéité qui, nécessairement, lui fait défaut, il faut avoir recours, après le puddlage, à une série d’opérations : cinglages, laminages, corroyages, etc., fort coûteuses aussi. Quant à l’acier, dont la fabrication n’était alors qu’une petite industrie, on l’obtenait, en général, par carburation directe. Résultat : le bon fer revenait au moins à 140 francs la tonne, l’acier, à 1 000 francs, prix trop élevés pour que l’usage de ces métaux pût se répandre autant qu’il était désirable.

La découverte si importante de Bessemer, que son auteur fit connaître en 1856, dans une séance, devenue historique, de la British Association of the Iron Trade, changea la face des choses. Elle permit, en effet, de remplacer, et à bon marché, les deux types extrêmes, fer forgé et acier dur, que, seuls, fournissait l’ancienne industrie, par une riche gamme d’aciers offrant toutes les nuances de dureté, depuis des aciers extra-doux (fers aciéreux), comparables à l’ancien fer, jusqu’à des aciers durs, comparables à l’ancien acier. La révolution était considérable : aussi nos lecteurs nous pardonneront-ils facilement d’entrer dans quelques détails pour mieux faire saisir, et comment elle a pu s’opérer, et comment elle a amené l’introduction de la chimie dans l’industrie sidérurgique.

En principe, rien de plus simple et de plus séduisant que le nouveau procédé : au lieu de s’adresser, pour la décarburation, à des oxydes, dont la réduction absorbe, d’ailleurs, de la chaleur, on n’a recours qu’à l’air seul, et à de l’air à la température