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attaché à sa personne ; il envoya à Juarez une adjuration suprême : « Faites que mon sang soit le dernier versé, et consacrez cette persévérance que vous avez mise à défendre la cause qui vient de triompher, et que je me plaisais à reconnaître et à estimer au milieu de la prospérité, à la tâche plus noble de réconcilier les esprits et de fonder la paix dans ce pays infortuné. » Il fit demander à Escobedo par Magnus de choisir de bons tireurs et de leur recommander de ne pas le défigurer en tirant au visage et de bien le tuer du premier coup, car il considérait comme peu séant que la foule vît un Empereur se débattre sur le sol dans les convulsions de l’agonie. Il exprima le désir de recevoir la visite du général afin d’exprimer lui-même ce dernier vœu, et de prendre congé de lui. En l’attendant, il s’endormit. A onze heures, on le réveilla pour recevoir Escobedo. Celui-ci le quitta tout ému, emportant une photographie sous laquelle Maximilien avait écrit : Al general don Mariano Escobedo, Maximiliano.

Maximilien s’était rendormi. Il se réveilla à trois heures et demie du matin, fit une toilette très soignée, mit un pardessus foncé, un gilet et un pantalon noir et un chapeau de feutre. A cinq heures, le Père Soria, qui lui avait déjà donné les sacremens, vint célébrer la messe dans la cellule, puis Maximilien déjeuna d’un peu de poulet, de vin et de café. Il donna encore quelques commissions au docteur Bash, lui recommanda de remettre à sa mère un scapulaire qu’il portait dans la poche de son gilet.

L’exécution avait été d’abord fixée à sept heures. Escobedo l’avança afin d’éviter les manifestations populaires. Au coup de six heures, un officier se présenta. Maximilien sortit de sa chambre. Avec cette intrépidité tranquille et cette grandeur simple qu’il garda jusqu’à la fin, il dit : « Je suis prêt. » Ses serviteurs pleuraient et baisaient ses mains. « Soyez calmes, dit-il, vous voyez que je le suis. C’est la volonté de Dieu que je meure. » Il alla vers les cellules de ses compagnons : « Etes-vous prêts, messieurs ? je le suis. » Puis il les embrassa. Le bon Mejia était affaissé. Maximilien monta le premier dans un fiacre entouré d’une escorte d’infanterie et de cavalerie. Son domestique hongrois et le Père Soria s’assirent à ses côtés. Mejia et Miramon suivaient avec leurs confesseurs dans deux autres voitures. Il fallut arracher de force la femme de Mejia à son mari ; elle suivit sa