le revers de son habit. Il demanda au colonel Stoffel de le conduire à la Grande-Duchesse de Gérolstein, et il rit à gorge déployée de cette satire des petites cours allemandes, qu’il trouvait très ressemblante. Se retournant vers Moltke, assis au second rang parce qu’il était indisposé par l’eau de Paris, il lui disait ; « C’est tout à fait cela ! »
Moltke écoutait impassible. Du reste, il l’était toujours, saluant, observant sans dire un mot, ni témoigner aucune amabilité. Une fois seulement, dans une course en voiture à travers Paris, il dit au colonel Stoffel : « Je suis très content que le Roi ait vu toutes ces magnificences ; il s’occupe presque exclusivement de l’armée ; il a pu s’assurer aujourd’hui qu’un souverain, sans négliger l’armée (car la vôtre est excellente), peut s’intéresser à tout ce qui contribue à la grandeur d’un peuple. Il m’est permis plus qu’à tout autre de parler ainsi, car je n’ai pas à me plaindre de cette prédilection du Roi. »
Les souverains visitèrent le Petit Trianon et Versailles. L’Empereur les y conduisit lui-même. Lebœuf suivait, avec Bismarck et Moltke. Arrivé aux galeries du premier Empire, Napoléon III voulut passer outre ; le Tsar insista pour qu’il n’en fit rien. Moltke, figure de plomb, regardait d’un œil haineux ; Bismarck parlait beaucoup, d’un ton ironique. « Sire, dit le soir Lebœuf à l’Empereur, je viens de passer une journée terrible, avec deux hommes qui nous détestent furieusement ; je prie Votre Majesté de ne pas me la faire recommencer. — Vous avez tort, répondit l’Empereur, M. de Bismarck ne nous déteste pas, et M. de Moltke est un officier très distingué. » Très distingué, en effet, et très désireux de nous en convaincre, car, chaque matin, il allait étudier 9ur le terrain la meilleure manière d’attaquer Paris. Lebœuf n’avait pas le droit d’insister, mais il pria Failly de ne pas mettre son nom parmi ceux qui devaient être décorés par le roi de Prusse.
Bismarck, cependant, eût voulu causer avec quelqu’un. Il n’y réussit pas mieux que Gortchakof. Il vit à peine Moustier, s’entretint à peine avec l’Empereur, un peu plus avec Rouher, mais sans sortir des généralités. Ce ne fut qu’avec Persigny qu’il eut occasion de s’expliquer. Le rencontrant aux Tuileries, il lui demanda : « Ai-je bien suivi vos leçons ? » Deux jours après, il vint le voir. Il lui expliqua d’abord, comme il faisait avec tout le monde, son rôle dans l’affaire du Luxembourg : il avait été