prétexte de le dominer. Il détruisit le repaire sanglant de Behanzin. Auprès de ces travaux d’Hercule, les expéditions anglaises, dans l’Ouest, étaient des jeux d’enfans. Mais nos rivaux reprenaient toute leur supériorité dans le règlement final. Ils excellent à récolter ce que les autres ont semé. Tandis que le brave Français courait et se battait pour le plus grand bien de la civilisation, l’Anglais, attentif, s’emparait doucement des pays les plus riches et les mieux situés. Quand il n’avait pas même eu le temps d’y jeter ses avant-postes, il inventait des traités imaginaires, il se forgeait des droits, sachant bien qu’à Paris, on le croirait sur parole.
Ainsi fut conclue cette fameuse convention de 1890, monument de notre simplicité. Tout ce qui semblait avoir quelque valeur, entre le Niger et le lac Tchad, c’est-à-dire le Sokoto et le Bornou, était attribué à l’Angleterre, sans qu’elle eût fait autre chose pour l’acquérir que de le réclamer. On laissait au coq gaulois « les terres légères à gratter, » selon l’expression ironique de lord Salisbury. Nous ne pouvions même pas voyager d’un point à l’autre de cette ligne, tracée au cordeau sur la carte, sans traverser d’affreux déserts. Bon gré mal gré, nos agens étaient forcés d’emprunter le territoire anglais. Il y avait du reste beaucoup de mirage dans cet entraînement vers le lac Tchad. Il est démontré que les rives de ce lac, dont les Anglais nous ont généreusement abandonné les trois quarts, sont fort médiocres, et que les terres fertiles se trouvent beaucoup plus au Sud. Peut-être serait-on moins pressé aujourd’hui de tracer hâtivement des frontières idéales autour d’un si pauvre domaine. Le grand empire Saharien, avec Tombouctou comme capitale et Zinder comme débouché, est une conception qu’on ne saurait seulement discuter.
Tout autre est la valeur des terres arrosées par le Niger ou comprises dans son immense boucle. Cette contrée, tant de fois ravagée par les marchands d’esclaves et par de petits despotes aussi stupides que féroces, pourrait refleurir sous un bon gouvernement. Avertis par l’expérience de 1890, les Français redoublèrent d’efforts pour s’en emparer. Ils descendirent les cataractes du Niger, et se lançaient déjà dans les eaux libres qui aboutissent à la mer, lorsque le lion britannique donna des signes d’inquiétude. Ces Français étaient décidément insupportables : On ne pouvait sommeiller en paix dans les bonnes terres