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grands dignitaires, l’allef et le caïd-el-méchouar sont seuls issus de tribus makhzen ; Si el-Mehdi est venu des Menahba, l’une des tribus quasi-makhzen du Haouz, Si Driss-ben-Yaïch des Bouakhar. Il est, en effet, naturel que le soin de l’armée reste confié à un membre de la caste militaire, et, pour l’office de maître des cérémonies, il a été de tradition constante, à la Cour chérifienne, de considérer un nègre bokhari comme particulièrement décoratif. Le grand vizir, le ministre des Affaires étrangères et. celui des Réclamations sortent des secrétaires du makhzen ; ils occupent les trois beniqas exigeant plus particulièrement des lettrés ou des savans. Les quatre départemens financiers reviennent, comme de juste, à des oumana. Parmi eux, l’amin-ed-dekhel, Si Ahmed-er-Reqina, est un amin de Tétouan ; il remplit, en même temps, les fonctions de hagib, par une dérogation aux anciens usages, qui réservaient le poste de chambellan aux esclaves nègres du Palais.

Parmi les détenteurs actuels des diverses beniqas, il n’en est aucun qui puisse être considéré comme arrivé par ses seules forces aux premiers rangs du makhzen : tous appartiennent à des familles parvenues depuis plus ou moins longtemps aux honneurs ou à la fortune, et leur carrière à tous s’est développée, dès le début, dans l’entourage des grands. Si Feddoul-Gharnit est né à Fez, d’une vieille famille maure, originaire de Grenade, émigrée d’Espagne au XVIIe siècle, lors du dernier exode de sa race. Son père fut vizir sous Moulay-abd-er-Rahman ; élevé avec Moulay-el-Hassan à la cour de Sidi Mohammed, il s’établit une intimité d’enfance entre Si Feddoul et le futur sultan. Sous le règne de Moulay-el-Hassan, Si Feddoul devint ministre des Affaires étrangères ; écarté des affaires par Ba-Ahmed, il y est, revenu depuis deux ans, comme grand vizir. Si Abdelkérim-ben-Sliman est également issu de Maures de Grenade ; le goût des négresses, si fréquent au Maroc, a introduit dans sa famille une forte proportion de sang noir. Son père était mohlaseb de Fez, son frère aîné secrétaire au makhzen ; ce dernier fut assez influent pour introduire Si Abdelkérim auprès de Ba-Ahmed. Le tout-puissant vizir s’intéressa au jeune mulâtre, dont il fit son secrétaire d’en face, en le prenant pour intermédiaire auprès des missions étrangères de passage à la Cour. Si Abdelkérim était, en même temps, chargé de donner quelques leçons à Moulay-ubd-el-Aziz ; après la mort de Ba-Ahmed, il se