Page:Revue des Deux Mondes - 1904 - tome 21.djvu/74

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

est libre de prendre son bien où il le trouve, dans les villes ou dans les tribus, parmi les tolba les plus renommés de Karaouiyin ou parmi les jeunes gens qui se sont distingués, comme secrétaires, auprès de quelque gouverneur ; en fait, les vizirs ont une tendance très prononcée à préférer les candidats dont les pères étaient déjà au service. De plus, la plupart des secrétaires sont gens de Fez, plus rarement de Marrakech, de Rabat ou de Tétouan. A peine les tribus fournissent-elles, de-ci, de-là, quelque individualité favorisée, tel le deuxième secrétaire actuel du grand vizir, Si el-Arbi-el-Hassnaoui, qui est des Béni-Hasen.


IV

La tradition veut que le hagib soit le premier arrivé au Dar-el-makhzen pour faire avec le souverain la prière matinale. Dès que le sultan a pris place dans la Koubbet-en-Nasr, pour vaquer aux affaires de l’Etat, les moualin-el-oudhou s’alignent en face de lui, prêts à obéir aux indications du maître, et un fraïgui s’en va, dans chaque beniqa, aviser de la présence chérifienne ; car il n’est pas permis aux vizirs de solliciter audience, et ils doivent attendre l’appel impérial. Si le sultan veut s’entretenir avec un de ses ministres, il se borne à prononcer le nom de celui d’entre eux qu’il désire voir ; un moul-el-oudhou s’empresse pour le ramener au plus vite. Le vizir traite de ses affaires avec le souverain, répond à ses questions et lui soumet les lettres rédigées dans sa beniqa. Le sultan relit exactement la correspondance, et, pour indiquer son assentiment, marque au crayon un trait arrondi, à l’extrémité de la dernière ligne de chaque lettre. Dès lors, la missive peut être revêtue par le hagib du cachet impérial et expédiée à son adresse.

Naguère, le fonctionnement de la makhzénia était soumis aux règles les plus strictes. Moulay-el-Hassan avait le sentiment de l’autorité ; il s’intéressait aux affaires, prétendait les diriger lui-même et contrôler l’activité de ses vizirs. Chacun d’eux devait rester à sa place, sans pouvoir empiéter sur le domaine du voisin ; le grand vizir était le premier ministre effectif, et il était rare que la place n’en fût pas occupée par celui dont la voix était prépondérante dans les conseils de l’État. Moulay-el-Hassan avait des amis, mais point de favoris. Les heures de service étaient nettement établies au Dar-el-makhzen ; vizirs et secrétaires