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simple motion : c’est un acte, et un acte qui engage l’avenir. Les groupes relativement modérés de la majorité ne veulent pas engager l’avenir. Il a bien fallu tenir compte de leurs résistances. Le gouvernement y était tout prêt. Ses amis se sont divisés : mais ceux qui font passer bien avant les principes le maintien du bloc ministériel et du ministère lui-même n’ont pas hésité une minute quand ils ont vu en péril des biens aussi précieux. M. Jaurès en personne a donné le signal. Lui, qui avait publié la note pontificale pour mettre le feu aux poudres et qui, pendant les premiers jours, avait témoigné la plus fougueuse impatience de précipiter à ses pieds l’édifice vermoulu du Concordat, il s’est mis à parler comme on le faisait autrefois au centre gauche, quand il y en avait encore un et qu’il en faisait partie.

Les incertitudes du gouvernement n’étaient pas ce qui nous intéressait le plus : nous savons comment elles se déterminent et en vertu de quelles influences. C’est donc de ces influences qu’il fallait surveiller révolution. On les a vues se discipliner elles-mêmes merveilleusement, tenir compte des faits, se prêter aux circonstances, à tel point que, si on a parlé autrefois des radicaux, il faut parler aujourd’hui des socialistes de gouvernement : ils tiennent encore plus au gouvernement qu’au socialisme. Mais c’est la partie anecdotique de la situation : le côté sérieux des incidens auxquels nous venons d’assister est qu’il n’y a pas de majorité dans la Chambre actuelle pour la séparation de l’Église et de l’État. Le jour où la Chambre a pu craindre qu’on ne l’acculât à cette mesure, elle s’est rejetée en arrière. L’éclat de cette démonstration ne laisse rien à désirer. Toutefois, il ne faudrait pas beaucoup de fautes comme celles qui ont été commises pour que la solution devant laquelle la Chambre recule encore s’imposât à elle comme le seul dénouement rationnel et logique. Et que serait la séparation de l’Église et de l’État si elle était faite brutalement ou sournoisement par les hommes qui sont aujourd’hui au pouvoir ?

La question ne devait pas tarder à se poser devant la Chambre. Huit interpellations avaient été déposées ! On pouvait s’attendre à une discussion interminable et extrêmement passionnée : elle a été seulement longue et n’a pas été passionnée du tout. Si nous négligeons les accessoires, quatre discours la résument. MM. Delcassé et Combes ont parlé au nom du gouvernement. M. Aristide Briand l’a fait au nom des socialistes et M. Ribot au nom du centre. Le discours de M. le ministre des Affaires étrangères a été une exposition très claire de tous les faits qui se sont produits, dans l’ordre où ils se sont succédé. Il nous a appris, en conformité avec la note pontificale, que dès le