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pontificale ; on y sent quelque inexpérience du langage diplomatique ; et, à ce propos, on eût mieux fait, pour cette raison, de la rédiger en français qu’en italien. Mais, en l’examinant de plus près, il apparaît d’autre part que l’intention n’en a pas tant été de protester contre la visite elle-même du Président de la République à Rome, que d’empêcher les souverains catholiques d’y voir un précédent qui leur permettrait de suivre son exemple. Le Souverain Pontife a voulu signifier, au début de son pontificat, que rien n’était changé sur ce point aux décisions plusieurs fois exprimées de Léon XIII et de Pie IX. Question de forme plutôt que de fond, peut-être, et de protocole, pour ainsi dire, plutôt que de politique. Pie X a moins voulu « revendiquer » son ancien pouvoir temporel, ou même protester contre les événemens qui l’ont anéanti, qu’indiquer une altitude, et faire entendre qu’il ne s’en départirait pas. Et, indépendamment de toute autre raison, ne serait-ce pas pour cela, qu’après un premier moment d’effervescence, l’opinion publique s’est promptement calmée ?

Sans doute, des clameurs d’indignation se sont élevées du clan radical et socialiste. On s’y est écrié que la France venait de subir une offense, une injure, une insulte sans précédens, qui justifiait de la part de son gouvernement, ou plutôt lui imposait des mesures d’extrême rigueur. La note pontificale était commentée, interprétée avec une parfaite mauvaise foi, on peut le croire, mais avec véhémence. Puisque le gant nous était jeté, on saurait le relever ! Il fallait supprimer notre ambassade auprès du Vatican, dénoncer le Concordat, procéder, sans attendre un jour de plus, à la séparation de l’Église et de l’État, enfin se porter d’un seul coup aux dernières violences. Ce n’était pas seulement notre injure que les socialistes entendaient venger : ils n’étaient pas moins sensibles à celle de l’Italie, et on a même pu croire par momens qu’ils l’étaient davantage. Venger l’Italie et la France, tel était leur mot d’ordre : ils espéraient, dans la première exaltation des esprits, le faire accepter par le ministère et par la Chambre.

Celle-ci n’était pas encore réunie, ce qui a été peut-être fort heureux. Le gouvernement s’est trouvé seul aux prises avec les exigences du parti socialiste, et il a une telle habitude de les subir qu’on pouvait de sa part s’attendre à tout. Toutefois il s’est arrêté à un compromis, dont il a même laissé pendant quelques jours le caractère un peu indistinct : il a rappelé ou mis en congé notre ambassadeur auprès du Vatican. En cela, il se donnait un démenti à lui-même. Il connaissait depuis plusieurs jours déjà la note pontificale ; il en avait reçu