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vaste plateau dominé çà et là par des chaînes de montagnes peu accentuées. Le voyageur y accède soit en escaladant d’un seul coup le rebord du plateau, soit progressivement en remontant le cours du Niger et de la Benoué ; mais, tandis que le Niger forme, sur une centaine de kilomètres, les rapides de Boussa pour descendre sur la plate-forme inférieure, la voie Logone-Toubouri-Kabi-Benoué garde une pente normale jusqu’au moment où elle se précipite de plus de cent mètres, en un bond et deux soubresauts, pour changer de plan horizontal.

Cette voie, plus pratique pour la navigation que celle du Niger, a l’inconvénient grave de traverser des pays étrangers et de n’être utilisable entre le Kabi et le Logone que pendant trois mois de l’année pour des embarcations contenant 20 tonnes et calant environ 4 pieds. Cependant, elle présente des avantages très notables sur la route Congo-Oubangui-Chari, qui, elle aussi, passe en territoire étranger. De Bordeaux à Fort-Lamy, le trajet s’effectue en deux mois et demi par la Bénoué, au lieu de cinq par la voie actuelle ; la navigation n’exige que trois déchargemens ; le portage est réduit à une seule étape et les frais de transport diminuent au moins de 50 pour 100.

Si nous avions à produire un témoignage à l’appui de cette assertion, nous citerions, entre autres, ce passage d’un article sur le Tchad et ses habitans, que M. l’enseigne de vaisseau d’Huart, ancien commandant de la flottille du lac, publiait dans la Géographie du 15 mars dernier : « Il est indéniable que la tonne de marchandise rendue directement à Yola, par voie d’eau, à 250 kilomètres de Dikoa, ne souffrira aucune concurrence avec celle qui débarque à Matadi, prend le chemin de fer, arrive à Brazzaville, en repart en bateau à vapeur, puis en pirogue, pour reprendre la voie de terre à la Kémo, cette fois à des de porteur, et descendre enfin le Chari. Aucune comparaison n’est possible entre ces deux voies, commercialement parlant. »

Avant de tenter un ravitaillement par la Bénoué, il sera nécessaire de contrôler ces premières évaluations et d’assurer la sécurité dans la région du Toubouri et du Kabi. Ce pays fertile, habité par une population énergique, traversé par une voie fluviale qui conduit à l’Océan, a trop longtemps approvisionné la traite et subi les incursions des bandes du Baguirmi et du Bornou. Placé dans notre zone d’influence, nous devons l’y maintenir et y asseoir notre autorité. L’installation d’un poste en aval des chutes de M’ Bourao dans un centre de l’importance de Léré permettrait d’atteindre ce but en assurant le transbordement des marchandises sur le seul point de la voie Bénoué-Kabi-Toubouri-Logone où il faille rompre charge.