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première vue ; mais, si nous y regardons de plus près, nous devons féliciter MM. Monteil et Haussmann, chargés de débattre le tracé de cette frontière, d’avoir envisagé l’hypothèse de l’ouverture d’une voie de pénétration par le Niger et la Bénoué vers le Tchad, et d’avoir compris l’utilité de nous y réserver, sur un point navigable du Mayo. Kabi, un centre de ravitaillement. Nos délégués, qui étaient au courant du voyage du major Macdonald, revendiquèrent Bifara. Nous les louons d’autant mieux de nous avoir obtenu un accès sur un sous-affluent du Niger qu’ils acquirent de ce fait à la France un titre nouveau pour exiger que la liberté de la navigation, solennellement proclamée par l’Acte général de Berlin, ne restât pas à l’état de lettre morte.

Renflée au sud-est, la limite orientale du Cameroun adopte plus au nord le méridien 12°40’ ; puis, étranglée au-dessus du 8e parallèle, elle emprunte, au nord de Bifara, le 10e parallèle, qu’elle suit dans l’est jusqu’à la rencontre du Chari, dont elle longe la rive gauche pour aboutir au Tchad. Ce dessin si compliqué a-t-il sa raison d’être ? Conviendra-t-il de s’y tenir ou d’en provoquer la modification ? Sur ces points comme sur celui de l’utilisation possible d’une ligne de ravitaillement par le Niger, tout dépendait de la tournure que prendrait l’exploration de la voie Kabi-Toubouri.


Le capitaine Lenfant n’ignorait rien de ces faits. Pénétré de l’importance de la tâche que le pays attendait de sa clairvoyance et de son énergie, il s’engageait résolument en avant, écartant jusqu’à la pensée d’une retraite possible.

Plus heureux que Mizon et le major Macdonald, il dépasse Bifara, que les indigènes nomment Biparé. Le Mayo-Kabi traverse en cet endroit une plaine inondée, où ses eaux se ménagent une issue par d’étroits canaux. Bien accueilli dans le village moundang de Dialoumé, le Benoit-Garnier poursuit sa navigation et passe successivement du grand lac de Léré, signalé à Mizon, à celui de Tréné. Le Kabi, dont le cours a décrit jusque-là mille sinuosités, vient maintenant de l’est et se fraye un passage entre deux lignes de hauteurs qui barrent l’horizon. Le chaland, parvenu dans un évasement du mayo, que grossit près de Lata la rivière Dala, semble s’engager dans un cirque fermé. Cependant, par une coupure de la colline, la voie se prolonge, En amont, la rivière, large d’une trentaine de mètres, serpente au milieu de blocs de cent mètres de haut et d’un dédale de rochers entre lesquels écument des cascades et tournoient des remous. Au-delà,