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hauteur de la mer, sous l’action d’une force qui aurait pu être indifféremment électrique, mécanique ou hydraulique, installée sur une des deux rives ou même à une certaine distance, et dont la transmission est aujourd’hui une affaire tout à fait pratique et courante. Une solution aussi simple ne saurait s’appliquer sur des fonds de 50 mètres comme ceux du Pas de Calais.

Mais nous avons vu que les reconnaissances géologiques les plus autorisées avaient démontré d’une manière indéniable que le fond du détroit était constitué par une roche crayeuse à surface lisse et peu déclive, facile à entamer par les outils, présentant une base solide et résistante, capable de supporter ou d’encastrer dans les meilleures conditions les piles d’un pont métallique. On a donc imaginé de construire un pont métallique sous-marin, sur la plate-forme ou sur le tablier duquel on ferait rouler un chariot émergé. Les piles de ce pont noyé, espacées de 60 mètres environ, seraient constituées par des chevalets en acier formés de deux pylônes légèrement inclinés pour augmenter leur largeur à la base et reliés entre eux par une poutre supérieure et des contreventemens. L’ensemble des deux piles consécutives et des deux poutres longitudinales qui les relieraient formerait un élément de voie simple pour le roulement du chariot. On établirait deux voies parallèles juxtaposées à 30 mètres de distance et portant chacune leur chariot distinct. Le tablier du pont sous-marin serait donc, en fait, constitué par quatre files de poutres parallèles espacées de 30 mètres et reposant deux à deux sur les deux élémens des piles distantes entre elles de 60 mètres.

La hauteur moyenne de ces piles, prise du fond de la mer serait de 23 mètres, la plus haute étant de 36 mètres seulement. Le tablier du pont immergé serait exactement fixé, comme nous l’avons dit, à 15 mètres au-dessous des plus basses mers, profondeur à laquelle on estime n’avoir plus à craindre, pendant les plus gros temps, une agitation préjudiciable à la stabilité de la charpente métallique des chevalets, qui seraient d’ailleurs solidement encastrés dans le fond rocheux et entre toisés entre eux de manière à n’éprouver aucune flexion. Cette tranche d’eau de 15 mètres est en outre très suffisante pour donner passage aux steamers et aux cargo-boats du plus fort tonnage, même en tenant compte du creux des plus fortes lames de houle et de toutes les oscillations des navires sous faction des vagues.