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seulement, la largeur serait au maximum en certains points d’une quarantaine de mètres, et la profondeur atteindrait à peine quatre à cinq centimètres. Un petit oiseau traverserait en sautillant cette mer en miniature. Mais il y a plus. Sur la ligne directe qui joint Douvres à Calais, ou Boulogne à Folkestone, on rencontre au milieu de la route deux grands bancs de roche sous-marins, le banc de Varnes et le banc de Colbart où la profondeur ne dépasse guère une dizaine de mètres. On voit et on touche presque le fond. A tout prendre, le bras de mer qui sépare la France de l’Angleterre n’est qu’un large fossé. On en connaît aujourd’hui parfaitement le relief ; et des sondages méthodiques, plusieurs fois renouvelés, permettent de le considérer comme un seuil composé d’une série de bancs de craie très réguliers, unis, homogènes et suffisamment résistans.

L’étude comparée des falaises qui bordent les deux rives du Pas de Calais a démontré de la manière la plus nette que la composition du terrain de craie compris entre Folkestone et Douvres ou entre Calais et South-Foreland correspond exactement, trait pour trait, à celle du massif crayeux du cap Blanc-Nez. Sur les deux rives, la craie blanche, à bandes horizontales de silex, a pour base une assise épaisse de craie grise ou marneuse un peu mélangée d’argile, très régulière dans ses allures, exempte de fissures, et reposant elle-même, par l’intermédiaire d’une couche puissante connue sous le nom de grès vert supérieur, upper green sand, sur une formation d’argile bleue qu’on appelle le « gault. » La concordance est absolue sur les deux falaises qui se font face, où l’on voit les mêmes assises s’enfoncer successivement dans la mer en vertu du plongement dont elles sont affectées.

La couche de craie blanche est très fissurée et peut être pénétrée par toutes les eaux d’infiltration ; mais la couche de craie grise qui se trouve immédiatement en dessous est au contraire compacte, homogène, imperméable ; et son plongement est parfaitement connu, tant par l’observation des falaises que par les puits profonds creusés à Calais et à Douvres. C’est donc elle qui a paru naturellement indiquée, quand on a eu l’idée d’étudier un tracé souterrain, pour le forage d’un tunnel à une profondeur convenable, en ayant soin de réserver au-dessus de la voûte de ce tunnel un massif protecteur d’une certaine épaisseur. Le passage à travers cette craie grise ne paraît d’ailleurs devoir