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convient d’attendre qu’ils soient passés et que le niveau moyen des prix se soit rétabli.

Au surplus, nos collections regorgent, et, pour les acquisitions nouvelles, la qualité importe beaucoup plus que la quantité. C’est avec raison que, dès les premières séances du Conseil des musées, le président qu’il s’était donné, le vénéré comte Delaborde, faisait prévaloir l’idée qu’il ne fallait rechercher que l’excellent et qu’à prix égal, l’acquisition d’une œuvre hors ligne est de beaucoup préférable à celle de plusieurs œuvres d’un mérite ordinaire. On ne peut donc qu’approuver la résolution prise par le Conseil, lorsque des ouvrages de maîtres déjà représentés dans nos collections lui sont proposés, de n’en décider l’achat qu’après les avoir fait placer dans les galeries à côté de ceux qui s’y trouvent de façon à permettre des comparaisons directes et à les écarter s’ils n’ont pas un mérite supérieur.

C’est grâce aux enseignemens successifs apportés par la pratique des choses que le Conseil acquiert, avec le temps, une connaissance plus juste des intérêts élevés auxquels il doit pourvoir et cette éducation spéciale que l’expérience seule peut lui fournir pour l’accomplissement de sa mission. Assez de problèmes délicats resteront toujours à régler par lui, et notamment celui de la proportion à maintenir entre les diverses catégories d’acquisitions auxquelles, d’après les termes mêmes de sa charte fondamentale, les ressources dont il dispose doivent être exclusivement consacrées : « celles d’objets ayant une valeur artistique, archéologique ou historique, » autrement dit, d’objets remarquables par la beauté du travail, par leur antiquité ou par la signification documentaire qu’ils peuvent offrir. Il y a là une question de mesure et s’il convient de réserver surtout la place et l’argent pour les chefs-d’œuvre de l’art, il importe également de ne pas négliger les types principaux de productions artistiques caractérisant nettement des écoles et des périodes déterminées et de ne pas trop s’encombrer, sous prétexte de pièces de série, d’ouvrages purement archaïques, d’une exécution impersonnelle, plus que médiocres ou nuls au point de vue esthétique. Le nombre de ces objets, que des moulages peu coûteux pourraient, en bien des cas, suppléer, doit être réduit au strict nécessaire dans un musée comme le Louvre, où leur présence, en tout cas, serait moins justifiée que dans des collections plus spécialement réservées à l’enseignement, comme celles de la Sorbonne.