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contre lui en termes assez vifs n’était-elle pas aussi justement applicable au Conservatoire lui-même pris en bloc ? Si, pour les achats qui concernent son propre département, chacun de ses membres avait une compétence spéciale justifiée par son titre même, comment un conservateur des antiquités égyptiennes, par exemple, pouvait-il, du fait de ce titre, décider, comme il l’avait fait jusque-là, de la valeur d’un objet d’art de la Renaissance ou du mérite d’un tableau ?

Dans la pratique, les membres du Conservatoire devaient inévitablement en venir à des tiraillemens ou à des complaisances réciproques, également fâcheux pour nos collections. Les plus hardis, les plus exigeans se faisaient la plus grosse part dans l’attribution des crédits comme dans celle des locaux, sans égards pour leurs confrères plus réservés, moins âpres dans leurs demandes. Absolument indépendans, obligés par la nature même de leur mission de tenir compte de l’ensemble des services, les membres du Conseil devaient, à l’occasion, rétablir la balance et maintenir l’équilibre. Ce n’était point l’affaire de ceux dont ils dérangeaient les habitudes et qui leur faisaient payer tous les inconvéniens d’une situation assez délicate, il est vrai, mais qui n’était point leur œuvre et dont ils n’étaient en rien responsables.

Des critiques, sans doute peu au courant des choses, mais désireux d’intervenir pour paraître bien informés, chargeaient à plaisir le Conseil des musées des plus noirs méfaits : « Étroitesse, ignorance, légèreté, toutes les erreurs, disait-on, lui sont familières… C’est lui qui, sans cesse, limite, retarde ou paralyse l’initiative des conservateurs… Fondé jadis, au lendemain du legs Caillebotte, sous prétexte de servir de guide, il est devenu une sorte de tyran occulte ou capricieux. Les musées sont désormais à la merci d’une assemblée anonyme et irresponsable, où les fantaisies d’une majorité plus compacte qu’éclairée font la loi. » Tel était le ton des attaques réitérées auxquelles le Conseil était en butte. On pouvait impunément contre lui multiplier les accusations les plus malveillantes et le signaler à la vindicte publique ; n’ayant ni le droit, ni le désir de répondre, il était condamné sans appel. Et cependant, si, à l’origine, il avait pu commettre quelques fautes résultant d’une pratique nouvelle et encore mal établie, il n’est que juste de remarquer que ces fautes furent tout au moins partagées et qu’en ce qui touche le Conseil, plusieurs de ses décisions les plus attaquées