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prendre toutes leurs aises, en rendre la surveillance de plus en plus difficile et y trouver, à l’occasion, un asile sûr où ils se sentent à l’abri des recherches de la police ? Un pareil état de choses ne saurait se prolonger, car il empire avec le temps, et le seul remède est l’établissement d’un droit d’entrée au Louvre.

Plus d’une fois, je le sais, cette question a été débattue et écartée. Posée en vue d’un accroissement de ressources pour nos collections, — et ainsi que le prouve cette pratique usitée en certains pays, ce n’est pas là d’ailleurs une considération qui soit à dédaigner, — elle soulevait chez nous les inévitables objections tirées de l’instruction artistique du peuple et de la générosité dont la France a la première donné l’exemple, en créant des musées et en les rendant gratuitement accessibles à tous. Mais ces objections ne sont plus de mise et la question se présente aujourd’hui sous un aspect tout différent. Avec les habitudes prises, elle ne saurait être résolue que par une taxe, si minime qu’elle soit, exigible à l’entrée du Louvre. Il est, en effet, désormais impossible de se débarrasser autrement de cette engeance qui le remplit et le considère comme sa propriété exclusive. Dans certaines capitales où les anciens erremens se sont maintenus, un Suisse de tournure décorative, vêtu d’un costume magnifique, un large baudrier doré passé au travers du corps, une grande canne à pomme d’argent à la main, peut jouir encore du droit incontesté de refuser l’accès des collections à toute personne de mauvaise mine, et ses jugemens sont sans appel. On ne pourrait se flatter maintenant de revenir à un état de choses autrefois en vigueur chez nous. Un concierge, même très galonné, et si fermement résolu qu’il pût être à faire respecter sa consigne, serait absolument incapable de procéder à un triage, de fait assez délicat, parmi les visiteurs qui se présenteraient aux portes. Des contestations, des rixes même pourraient se produire qui tourneraient à la confusion de l’autorité. Le seul moyen pratique est de recourir à une redevance taxée pour les entrées.

Dans le rapport présenté, en 1902, à la Chambre, sur le budget des Beaux-Arts, le rapporteur, — c’était M. Couyba, et l’on ne saurait le suspecter de tendances aristocratiques, — parlant « des malheureux sans travail et peut-être sans logis qui viennent dans nos galeries publiques chercher un abri momentané, » conclut « que l’hospitalité y est pour eux inconfortable, puisque la seule distraction qui leur soit offerte est l’admiration ; les ventres