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combler, le Louvre offre aujourd’hui un ensemble de richesses qui, par son universalité, ne craint la comparaison avec aucun des musées de l’Europe, et qui embrasse en quelque sorte toute la suite des manifestations artistiques de l’humanité. Et cependant que de fois nous avons entendu des personnes qui s’intéressent à nos collections exalter celles des pays voisins, aux dépens des nôtres. Si, bien souvent, une pareille appréciation résultait chez elles de cet esprit de dénigrement qui porte les Français à déprécier ce qu’ils ont pour vanter outre mesure ce qu’ils voient à l’étranger, il est juste de reconnaître qu’en ce cas, leur erreur trouve aussi son explication dans la difficulté très réelle de se rendre un compte exact de ce que vaut cet ensemble, à raison du désordre et de l’incohérence avec lesquels il est présenté au public. C’est sur ce point qu’il nous a paru utile de réunir ici le résultat d’observations qu’une longue fréquentation du Louvre nous a suggérées.


II

On comprend que, formé par une agglomération de bâtimens de toutes les époques, construits pour des fins très différentes, le Louvre était loin de réunir les conditions assez complexes auxquelles doit répondre un musée. C’était là une raison de plus pour qu’on s’appliquât à réparer, avec le temps et dans la mesure du possible, les défauts de ce vice originel. Il semble, au contraire, qu’avec une absence complète de suite et de prévoyance, le soin de répartir et d’approprier convenablement les divers locaux qui renferment nos collections ait été abandonné au hasard. Dès le dehors, cette négligence se manifeste aux abords mêmes du Louvre. Les jardins qui l’entourent sur trois de ses faces et l’isolent du côté de la Seine, de la place Saint-Germain-l’Auxerrois et de la rue de Rivoli, en même temps qu’ils forment un agréable décor, assurent un recul nécessaire pour bien jouir des proportions de l’édifice et ajoutent ainsi à sa beauté. Ces parterres garnis de fleurs suffisaient à sa parure ; mais si, par surcroît, on voulait encore les orner de statues, il fallait évidemment s’efforcer de mettre cette décoration en harmonie avec le caractère du monument, et par conséquent étudier à l’avance ce qu’elle devait être, arrêter le choix des artistes auxquels seraient élevées ces statues, leurs dimensions respectives et leur emplacement,