longtemps entretenue et couvée. Depuis des années, ces gens n’entendent, ne lisent que les plus atroces diatribes contre « les chefs, » petits ou grands.
Voilà le noyau des bandes qui, bientôt peut-être, terroriseront Toulon. Ajoutez-y les anarchistes italiens qui pullulent, les chemineaux qui battent la campagne et quelques centaines de ; marins du pays, embusqués, grâce à l’on ne sait quelles protections, dans les services à terre ou sur les bâtimens du port, enfin les pires élémens des troupes coloniales et Dieu sait s’il y en a de mauvais !…
9 novembre. — L’indiscipline, le mauvais esprit font de rapides progrès à bord des bâtimens qui stationnent ici. Tous mes camarades me disent qu’on ne peut plus donner une punition grave à un homme, l’eût-il cent fois méritée, ou seulement lui refuser une faveur sans qu’il menace « d’écrire au ministre… » et souvent il le fait. « J’ai interrogé, me dit Varois, un gaillard qui venait de « tirer une bordée de longueur » et qui encourait quelques jours de prison ; je lui ai demandé pourquoi il s’était absenté illégalement ; je l’ai tourné et retourné ; impossible d’en tirer autre chose que ceci : « Pourquoi m’a-t-on refusé une permission ! » Évidemment, puisqu’il demandait une permission, on devait nécessairement la lui accorder. Nous étions donc dans notre tort. Je m’attends à une demande d’explications sur le cas de cette pauvre victime. Et comment faire comprendre que les diminutions d’effectifs nous obligent à restreindre le nombre des permissions de longue durée ?… »
Un autre lascar, que me cite le commandant du Choiseul, a résolu de ne faire aucun service à bord et même de n’y paraître que le moins possible. Le soir même de son embarquement, il disparaissait pour cinq jours. On le rattrape, on lui octroie un mois de prison, qu’il subit réellement, à terre, vu ses antécédens. Il revient, tire aussitôt une nouvelle bordée, gagne cette fois ses soixante jours, le maximum, et se déclare prêt à recommencer, dès qu’il aura fini sa punition et rallié le Choiseul. Et comme on n’envoie plus aux compagnies de discipline, l’autorité reste désarmée contre ce galant, qui le sait fort bien…
D’assez méchante humeur, ce soir, et ruminant tout cela, voici que je rencontre Broustet, le lieutenant de vaisseau, dont j’apprécie beaucoup la valeur professionnelle, mais pas autant les