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Ainsi, par une évolution lente, se trouva peu à peu constitué le système actuel du makhzen, pour se substituer, sous les dynasties chérifiennes, à l’ancienne domination d’une secte ou d’une tribu. Longtemps, il resta douteux si quelqu’une des nouvelles tribus makhzen ne parviendrait pas à la prépondérance en s’imposant aux autres et au sultan lui-même. Il fallut un siècle et demi de luttes, pour dissocier ces tribus trop favorisées, les opposer entre elles, réduire leurs prétentions réciproques et les amener à leur état présent, qui les équilibre, en les groupant docilement autour du pouvoir central....

Les quatre tribus makhzen fondamentales sont donc les Chéraga, les Bouakhar, les Oudaïa et les Chérarda. Les Chéraga, les Chérarda et les Oudaïa de l’oued Mekkes sont réunis autour de Fez ; le guich d’Ehl-Sous occupe Fez-el-Djedid, les Bouakhar garnissent Mékinez ; une fraction des Oudaïa couvre Rabat. Enfin, outre la fraction des Oudaïa installée dans le Haouz, cinq tribus quasi-makhzen, les Rahamna, Ahmar, Abda, Menahba et Harbil protègent Marrakech ; Fez-el-Djedid, Mékinez, les kasbahs de Marrakech et de Rabat sont makhzen ; il en est de même de Larache et de Tanger, avec sa banlieue, le Falis. Ces deux villes avaient été reconquises, à la fin du XVIIe siècle, sur les Anglais et les Espagnols, grâce au concours de moudjahidin, volontaires pour la guerre sainte, recrutés dans toute la région. Quand ces places eurent été évacuées par les infidèles, elles furent repeuplées de Riffains et de Djébala, et la population fut constituée en guich.

Il va sans dire que les tribus makhzen possèdent une organisation différente de celle des autres tribus. Ce sont, en fait, des colonies militaires, dont tous les membres sont gens makhzen et restent, leur vie entière, à la disposition du souverain ; en échange de cette servitude, ils vivent de la terre que la munificence de la dynastie a attribuée à leurs ancêtres, sont exemptés d’impôts, et ont une chance, beaucoup plus rare dans les autres tribus, de parvenir aux premiers rangs de l’Etat.

Le gouverneur des villes makhzen est un pacha de guich, c’est-à-dire un gouverneur militaire. Celui de Mékinez est le pacha des Bouakhar ; celui de Fez-el-Djedid commande, en même temps, le guich d’Ehl-Sous. Tandis que Chérarda et Oudaïa sont répartis entre plusieurs caïds, les Chéraga possèdent un pacha unique. Pour ces tribus spéciales, la division administrative est