Page:Revue des Deux Mondes - 1904 - tome 21.djvu/614

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

n’aurait-il pas une armure ajustée à ses formes, qu’il endosserait et quitterait suivant le cas ? La seule condition essentielle est que le poids de cette cuirasse ne dépasse pas celui du chargement normal, afin que le bateau garde les lignes d’eau favorables à sa marche. Les plaques auraient été, bien entendu, préparées d’avance, « présentées » même une fois, et les trous de boulons percés, sauf à les boucher à faux frais pour le temps de paix.

Mais combien de temps durera ce travail de cuirassement ? — Une quinzaine de jours ; un mois peut-être ? — Oui, et c’est pendant ce temps-là, où le commerce ennemi battra encore les mers, qu’il sera bon d’avoir des croiseurs militaires pour jeter le premier coup de filet, ces croiseurs militaires servant plus tard de noyaux aux divisions de paquebots armés.

Il faut donc des Château-Renault, et il les faut prêts à marcher du jour au lendemain : seulement il convient de les faire plus grands pour qu’ils aient des appareils moteurs plus sûrs et plus de charbon, pour qu’ils puissent loger les officiers et la maistrance des prises importantes que l’on voudra conserver, ainsi que les complémens d’équipages destinés à ces prises. Il faudrait qu’ils fussent plus grands aussi pour avoir une protection verticale au moins sur la première virure de bordée au-dessus de l’eau, ce qui permettrait de mettre le pont cuirassé plus haut, au grand bénéfice des machines, et enfin pour armer leurs gaillards d’une artillerie plus nombreuse, car ce n’est point assez que les huit pièces du Château-Renault et du Guichen.

Il y a encore bien des points intéressans dans cette question, par exemple celui des dispositions intérieures à prendre et du supplément d’effectif à prévoir pour obtenir un rapide afflux du combustible aux fourneaux dans les grandes allures : rappelons-nous que les « commerce destroyers » américains Columbia et Minneapolis pèchent par là…

Aussi bien n’y a-t-il guère de problème plus ardu que l’organisation de la guerre du large : c’est ce qui explique, au fond, la défaveur qui s’est longtemps attachée à cette méthode de guerre, car les argumens de surface qu’on lui oppose sont bien faibles…


4 octobre. — Sortant de l’abattoir, j’ai poussé jusqu’à la darse de Missiessy et fait la tournée des appontemens. Cette darse de Missiessy n’est pas achevée, mais il y existe depuis longtemps déjà un « rang » de navires en réserve, la grue de 100 tonnes,