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UN PEINTRE AU JAPON.

autorité sur des principes de la plus profonde humanité. Sur ces mêmes principes a été fondée au Japon l’éducation : « Donc vous, nos sujets, soyez soumis à vos parens, affectueux envers vos frères, en harmonie comme mari et femme, fidèles à vos amis ; conduisez-vous avec convenance, étendez à tous vos voisins la bienveillance et la générosité, appliquez-vous à l’étude, cultivez votre intelligence, élevez votre moral, favorisez les bénéfices publics, faites-vous les promoteurs des intérêts sociaux, conformez-vous aux lois et à la constitution du pays, faites preuve de courage et d’esprit public toutes les fois que le pays en aura besoin, et soutenez ainsi la prérogative impériale qui est coexistante avec le ciel et la terre. Une telle conduite de votre part ne fortifiera pas seulement le caractère de nos bons et loyaux sujets, il contribuera aussi à la gloire de vos dignes ancêtres. »

Rien dans ces paroles n’est de nature à encourager l’ambition personnelle ni l’égoïsme, ou à faire prévaloir l’obéissance passive. Le maître, en effet, n’obtient d’influence que par la douceur, grand sujet d’étonnement pour les Anglais qui recommandent la verge. Avec ses élèves, le maître est comme un frère aîné ; il n’ordonne ni ne gronde, la punition existe à peine. Un maître qui frapperait un élève serait congédié sur-le-champ. Le seul châtiment consiste à rester dans la salle d’étude aux heures de récréation ; encore le but n’est-il pas d’infliger une peine par la privation d’un plaisir, mais de dénoncer publiquement la faute. L’indépendance dont jouissent les écoliers est faite pour surprendre. En Occident, les maîtres expulsent un élève ; au Japon, il arrive tout aussi souvent que les élèves expulsent un maître, chaque école étant une petite république où le directeur et les professeurs représentent le Président et le Cabinet, celui-ci susceptible d’être renversé. La rébellion est silencieuse ; elle ne résulte presque jamais d’une animosité personnelle, mais d’un manque de confiance dans les capacités du professeur ; on le supportera dur et désagréable, s’il enseigne bien, et on pourra demander le renvoi d’une aimable et indulgente médiocrité, c’est-à-dire se mettre en grève pour ainsi dire, cesser de fréquenter son cours.

Quoique populaire parmi ses élèves, Hearn lui-même a essuyé, assure-t-il, des critiques, généralement assez justes. Il a trouvé parmi cette jeunesse de bien rares mérites, sauf, règle générale,