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de la presse ? — Au contraire, je le désire. — On lui opposé Mathieu. — On pourrait le désigner pour une autre commission. — Si Votre Majesté le veut, je pourrai dire à Ollivier de ne pas se présenter. — Du tout ! je désire qu’il soit nommé. — Votre Majesté m’autorise-t-elle à répéter ce qu’Elle me dit ? — Assurément. »

Walewski répandit cette conversation, et ma nomination ne fit plus aucun doute. Mais ma nomination, c’était mon influence sur la rédaction de la loi, la probabilité que j’en serais rapporteur, comme je l’avais été de la loi des coalitions ; et c’est ce que Rouher et surtout ses amis ne voulaient pas : il fallait m’éliminer ; ainsi l’on serait sûr de rendre la loi moins libérale et de « donner et retenir. » Sur cette alarme, Darimon et Welles de Lavalette, indissolublement unis, se rendirent au cercle de l’Arcade et racontèrent que Rouher, ému de la démarche de Walewski, était allé prendre les ordres de l’Empereur : celui-ci l’avait autorisé à démentir le langage du président de la Chambre ; Mathieu restait le seul candidat du gouvernement. Rouher était pourtant inquiet du résultat. Avant la séance, se trouvant, avec Pereire, membre de mon bureau, dans un des comités de l’Exposition, un de mes amis l’entendit dire à Pereire : « Dépêchez-vous d’aller à la Chambre, Ollivier pourrait être nommé. » En effet, la précaution n’était pas inutile ; je ne fus battu qu’à une voix (12 contre 13).

Walewski, homme d’honneur, ne supportait pas un démenti. Il va droit à Rouher et lui en demande compte. Rouher répond : « L’Empereur vous a, en effet, dit ce que vous avez répété, niais, le lendemain, il m’a dit le contraire. » Alors Walewski, se tournant vers l’Empereur, lui demande une satisfaction, sans quoi il sera obligé de donner sa démission. La bonté de Napoléon III, qui de plus en plus tournait à la faiblesse, l’empêchait d’exprimer un non résolu à qui le sollicitait, et lui donnait parfois, comme en cette occasion, les apparences de la duplicité. Embarrassé, il m’envoya dire de ne pas me troubler : « qu’il y avait eu malentendu, que Rouher et Walewski, chacun de son côté, avaient exagéré ses paroles, que cela s’arrangerait. » Cela ne s’arrangea pas. Walewski, n’ayant pas reçu satisfaction, se retira. Il voulut l’annoncer lui-même au Corps législatif. « Ce n’est pas sans un vif regret que j’ai pris cette résolution. Mais, dans un intérêt supérieur d’union, j’ai cru devoir renoncer à l’honneur de vous