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La haute valeur de l’acte fut cependant mise en relief dans une chronique de la Revue des Deux Mondes, dont le retentissement fut d’autant plus considérable que son auteur, Forcade, était un panégyriste constant de Thiers, un des défenseurs les plus écoutés de la liberté. « Le fond des choses, dans les nouvelles mesures, ce n’est rien moins que la renonciation au pouvoir discrétionnaire qui a perpétué pendant quinze ans la dictature ; c’est le commencement d’un système nouveau qui, dans de certaines limites, non seulement admet, mais sollicite la participation directe et continue du pays au gouvernement de lui-même… C’est une victoire de la force des choses consentie par une prévoyance éclairée de patriotisme. Les discussions trop prolongées de l’Adresse ont toujours été à nos yeux une application malencontreuse du gouvernement représentatif. Cette manière de procéder, au début d’une session, par une revue des questions rétrospectives et de poser des questions de cabinet sur des données générales a toujours eu le défaut de n’être point pratique et de nuire à la vraie politique des affaires. Elle excitait des passions, donnait lieu à des manœuvres, entretenait dans la controverse politique un ton violent et déclamatoire qui n’est point compatible avec la pratique régulière et solide du gouvernement. C’était une mauvaise pratique qui ne pouvait d’ailleurs se recommander par l’expérience d’aucune autre nation librement gouvernée. Le changement apporté à la situation de la presse par l’abolition des décrets de 1852 est peut-être la plus considérable des réformes… c’est vraiment la fin d’une captivité d’Égypte… Nous pourrons maintenant supporter d’un cœur plus léger les premiers tâtonnemens d’une législation nouvelle s’efforçant de se rapprocher du droit commun. »


Je n’avais rien confié au prince Napoléon, mais, la veille de la lettre impériale, j’allai tout lui raconter. Il fut parfait, sans aucun dépit de ce que je lui eusse gardé le secret. Après la modification ministérielle, je le trouvai moins content. Cependant, il me dit : « L’Empereur tiendra bon, il veut tenter loyalement l’épreuve, mais il n’est pas absolument sûr qu’elle réussisse et il se ménage une retraite. Et vous pouvez croire à ce qu’il dit, car il ne ment jamais. Quelquefois il se protège par le silence, et il ne dit rien ; mais, quand il parle, il dit tout. Du reste, il est bien fatigué ; il est malheureux : il n’a plus d’amis, il s’ennuie. Il