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politique. J’ai blâmé, regretté les événemens de l’année dernière et la circulaire maladroite qui les a amnistiés, mais je considère maintenant l’unité allemande comme un fait irrévocable, fatal, que la France peut accepter sans péril ni diminution ; tant que je ne voudrai pas perdre mon pays par des conseils fallacieux, je ne lui conseillerai pas de méditer avec l’Autriche épuisée, en dissolution, une nouvelle guerre de Sept ans, dans laquelle nous trouverions cette fois la Russie à côté de la Prusse, sans être certains d’entraîner l’Italie avec nous. Tout ce qu’on tentera contre la Prusse facilitera son œuvre au lieu de l’entraver : un Iéna même n’y nuirait pas. La paix sans aucune arrière-pensée : telle est la seule politique extérieure à laquelle je puisse m’adapter.

« 2° Cessation du pouvoir arbitraire qui pèse sur la presse et constitution pour elle d’un régime légal quelconque. Sur ce point, il est inutile que j’insiste ; l’Empereur lui-même sent la nécessité d’une réforme, et, quant à moi, je suis absolument engagé par mes discours depuis dix ans. »

Le 2 janvier, j’étais à la présidence ; nous causâmes longuement. « En principe, me dit Walewski, j’accepte vos idées ; la réorganisation de l’armée est presque abandonnée ; l’Empereur est décidé à faire quelque chose pour la presse : à vous d’obtenir qu’il fasse beaucoup et qu’il aille jusqu’à un régime légal. Laissez-moi entamer la négociation. L’Empereur a autant de sympathie pour vous qu’il en a peu pour Thiers. Pour agir sur lui, il faut le voir souvent, et cela n’est possible que quand on est ministre. »

Le 5, il me dit : « J’ai rapporté notre conversation à l’Empereur. Il me semble que tout cela doit aboutir. Il y a un point sur lequel il est déjà plus rapproché de vous que moi : c’est le droit de réunion. Il a demandé quelques jours pour réfléchir. Puis il vous verra. »

Et deux jours après : « J’ai lu à Sa Majesté votre dernier discours en réponse à Rouher. Il l’avait oublié et s’est écrié : « Il est impossible que je ne m’entende pas avec un homme qui pense ainsi. » Quand je lui ai dit que vous étiez préoccupé de ce qui arriverait si vous ne pouviez vous accorder dans la suite : — « Sans doute, a-t-il répondu, rien n’est impossible, mais c’est peu probable ; au contraire, ce qui nous sépare encore s’aplanira. »