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cela pour plusieurs motifs. Le premier est que leur majorité était trop faible pour avoir beaucoup d’autorité. Le second est qu’elle manquait d’homogénéité, les nationalistes ayant dû, pour se la procurer, faire une coalition où étaient entrés des élémens très disparates. Il y avait là même des radicaux avancés qui, pour des raisons diverses et quelquefois toutes personnelles, étaient devenus des mécontens. Dans des votes très importans, on a vu la majorité se débander, c’est-à-dire disparaître, puisqu’elle tenait seulement à quelques voix. Dans ces conditions, le gouvernement pouvait en prendre à son aise avec une assemblée coupée en deux, et on se rappelle que M. Waldeck-Rousseau ne s’en est pas fait faute. Le Conseil municipal de Paris a été pour lui comme non existant. La majorité radicale-socialiste du nouveau Conseil, bien qu’un peu plus considérable que l’ancienne, n’est guère que de huit voix, et un autre gouvernement que le nôtre n’aurait pas beaucoup de peine à l’arrêter dans la voie où elle se prépare à s’engager. Si on en juge par le langage de ses journaux, elle se croit le droit de tout faire parce qu’elle imagine en avoir le moyen, et ce moyen est dans les complaisances qu’elle attend du gouvernement. Probablement elle n’a point tort. Nous craignons que la ville de Paris n’ait encore moins à se louer du nouveau Conseil municipal que de l’ancien.

Les nationalistes pourraient bien alors avoir leur revanche. Mais, pour cela, — ayons le courage de dire la vérité à un parti qui vient d’être battu, — ils devront modifier sensiblement la composition de leur parti et leurs méthodes de combat. Ils devront surtout recruter avec plus de soin leur personnel. Ils ont pris avec eux tout ce qui n’appartenait pas au parti ministériel et y était hostile. Les groupemens de ce genre, nécessairement bariolés des couleurs les plus diverses, ont le malheur de ne pas inspirer confiance. Il y avait de tout dans le camp nationaliste, depuis des radicaux, comme nous l’avons dit, jusqu’à des hommes qui, s’ils étaient républicains, l’étaient de bien fraîche date. Il y en avait même qui ne l’étaient pas et n’en faisaient pas mystère. En un mot, c’était une coalition. On peut livrer une bataille avec une coalition et même la gagner : le difficile est de maintenir ensuite la cohésion de l’armée triomphante. La victoire d’il y a quatre ans n’était pas très considérable ; cependant c’en était une. Il est arrivé le lendemain ce qui arrive toujours en pareil cas. L’indiscipline, l’inévitable indiscipline s’est mise dans les rangs des vainqueurs et les a réduits à l’impuissance. Ils n’ont pas donné un mouvement déterminé aux affaires municipales,