Page:Revue des Deux Mondes - 1904 - tome 21.djvu/449

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
CHUTE DU JOUR


Le soir infiltre au cœur une mélancolie ;
Et des brumes du ciel, pareilles au passé,
Sort le regret, dont l’aile grise se déplie,
Et glisse en un murmure inquiet et pressé,
Chauve-souris gisant aux pierres qu’on oublie.

Tant que dure le jour, avide de clartés,
Rempli d’heures, portant chacune son emblème
Les premières sortant des voiles écartés,
En hâte, et secouant des torches dans l’air blême,
D’autres, arrondissant aux siestes des étés

Leurs bras chargés de blés et parfumés de roses ;
Ou remplissant des urnes fraîches aux étangs ;
La pensée est active et se limite aux choses.
Elle admire le calme et la beauté des champs,
Se plaît au mouvement de leurs métamorphoses.

Mais les rayons tombans entraînent avec eux
Vers la terre assombrie un fluide où tout penche,
Aussi bien notre esprit, soudain vague et peureux,
Que l’oiseau qui se tait et fait plier la branche,
Que l’air plus lourd parmi les taillis plus ombreux.

Tout ce qu’évapora ce soleil qui décline.
Larmes sur un visage, ou rosée en des fleurs,
Ou pensers affligeans, se reforme en bruine
Sur la pente menant au gouffre des douleurs,
………………….
Le soir descend, pendant que monte la colline.

SILENCE !


Je crains l’archet vibrant aux nerfs des violons
Qui les déchire en les frôlant, ou les effleure.
Et le filet des sons sur la harpe qui pleure,
Prenant les notes d’or en tremblans papillons,