Page:Revue des Deux Mondes - 1904 - tome 21.djvu/375

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

vous pour se moquer de votre cœffure. je ne scais si cétait de sa couleur tranchante ou de sa forme de chiffon mais tant y a quils s’en moquoient. Mme votre père en fut plusieurs fois témoin et me dit qu’il vous en préviendroit. jugés donc de l’effet que ce soir produit votre chaussure en brodequins rouges, avec votre mouchoir a rayes jaunes sur vos cheveux bruns et sans poudre.

« mon aimable amie, il est dangereux dans ce tems cy de se faire remarquer par des ajustemens extraordinaires.

« je vous dirai plus c’est qu’ils ne conviennent en aucun tems a une jeune fille qui semble vouloir attirer sur elle les yeux du public, à qui chercheriés vous à plaire maintenant ? à vous seul, me dires vous, eh bien je vous dirai avec sincérité que les couleurs dures et tranchées ne vous vont point, pour moi je naime que les couleurs douces et les formes simples, en toutes choses je fuis l’éclat, la nature n’employé que des contrastes doux pour produire l’harmonie ; quand elle en assemble de durs elle engendre la discorde, par exemple la couleur naturelle de vos cheveux va à merveille avec votre tein, mais si vous oposés à leur teinte brune une couleur jaune, et à leurs boucles ondoyantes un chiffon aplati, il y aura dissonance, voilà pour l’effet phisique, quant à l’effet moral, une telle parure annonce le désir d’attirer les regards ; vous navés plus besoin que de fixer ceux de votre ami. vous en êtes assurée si vos ajustemens sont d’accord avec les qualités de votre ame, douces, aimant la retraitte, le soin de votre maison et le bonheur de votre ami. sois bien sûr ma félicité, que ma plus chère occupation sera de faire le tien, tu dois en juger par ma franchise, elle est la preuve de mon estime pour toi. »


Lettre no 7. — De Bernardin de Saint-Pierre[1], — sans indication de date, mais d’octobre 1792, de Paris ; — inédite, sauf un passage cité par M. Maury et deux par E. Meaume.


« votre dernière lettre m’avoit fait de la peine parce que la mienne sembloit ne vous avoir pas fait de plaisir, il me sembloit y démêler un peu de gronderie. je suis touché du désir que vous me témoignés si tendrement de vous conformer toujours à mes gousts. puissais-je moi même remplir tous les vôtres.

  1. Cette lettre porte le no 40 dans la collection Gélis-Didot.