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dans un état au-dessus de votre fortune et de la mienne, je ne parle pas de celles que l’envie vous y susciteroit. croyez moi, il n’y a de bonheur que dans la solitude et aux champs, loin du trouble et de la corruption des villes, par exemple tout le monde y trouve tout simple qu’un homme âgé aye une jeune maîtresse et tout le monde le blameroit s’il épousoit une jeune femme, qu’importe, dires vous pour le bonheur l’opinion publique ? elle fait tout dans les affaires et les états ou on est en représentation, on ne lui échape que dans la solitude, je trouverois assez d’exemples de mariages disproportionés en âge dans des hommes très célèbres de l’antiquité.] Socrate plus vieux que moi épousa une jeune femme qui lui donna des enfans qui etoient en bas âge lorsqu’il mourut à 70 ans. il eut même 2 femmes à la fois, suivant la loi de son pays, mais il paroit qu’il neut pas lieu d’en être content. Sénèque déjà bien âgé épousa Pauline fort jeune et qui lui fut si attachée qu’elle voulut mourir avec lui lorsqu’il se fit ouvrir les veines par ordre de Néron, elle avoit déjà perdu une partie de son sang lorsque Néron donna ordre qu’on bandât ses playes. Seneque ne vécut heureux avec Pauline et ne lui inspira un si fort attachement qu’en vivant avec elle loin de Rome à la campagne, c’est ce qu’on peut voir dans ses lettres à Lucilius.

« au reste je m’occupe plus de notre bonheur futur que tu ne penses, si j’avois a la campagne un azile a moi, la chose seroit bientôt faitte. ton billet est charmant mais un peu court, je crois que tu ferois des ver si tu voulois. ta prose est légère et remplie des plus douces images, adieu mon enfant, tes leçons de morale même me plaisent, si je deviens fou tu me rendras sage, je t’embrasse de tout mon cœur, mon estime pour toi est égale à mon amour. »


Lettre n° 4. — De Bernardin de Saint-Pierre, — de Paris, sans date, mais de septembre ou octobre 1792 (rien ne prouve qu’elle soit postérieure à la lettre n° 3) ; — inédite, sauf deux passages publiés, l’un par M. Maury, l’autre par E. Meaume.


« ne parlons plus ma sensible amie de ce qui vous a fait de la peine, tenés vous pour assurée que personne ne vous honore et ne vous aime plus que moi. je m’occupe de votre bonheur, vous aimés la campagne, mais ne vous y ennuierés-vous point, quand vous y serés seule surtout dans les premiers tems ? quelles