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d’un plus long apprentissage, en la diminuant pour celles qui n’ont besoin que d’une instruction plus rapide à acquérir ; — et nous aurons encore approché de la solution du problème, qui est, pour une même dépense, de donner une plus grande valeur relative à l’une des deux armées.

Révisons et modifions encore ce travail, de manière à obtenir que certains services n’aient besoin que d’une quantité d’instruction très restreinte, et augmentons, par contre-coup, les ressources destinées aux autres armes ; en un mot, distinguons, dès le recrutement, entre les « unités combattantes, » longues à instruire, et les « services non-combattans, » plus rapidement éduqués ; — et le problème se sera resserré encore.

Enfin, fusionnons davantage les services civils avec les services Militaires, de manière à rendre disponible un certain nombre de soldats qui aujourd’hui portent inutilement l’uniforme ; et, poursuivant le même ordre d’idées, limitons « aux services » les élémens malingres et les élémens indispensables à la préservation de l’édifice social, tels ceux qui appartiennent à certaines carrières libérales ; — et le problème sera enfin résolu.

Voilà donc examinées, superficiellement, il est vrai, non seulement les nécessités de la guerre, mais encore les moyens d’y répondre en nous maintenant dans la limite étroite de nos disponibilités, si restreintes qu’elles soient, financières ou numériques. Nous n’avons pu le faire et essayer d’approcher la solution du problème qu’à la condition de suivre l’ordre logique dont nous avons parlé, et qui va des ressources aux nécessités.

Malheureusement, cet ordre logique n’est guère suivi dans le projet qui, du Sénat, va à la Chambre des députés, et qui, prenant le moyen pour le but, part d’une réduction a priori du temps de service pour aboutir à une organisation militaire inétudiée et grosse d’inconnues où l’amour du sophisme égalitaire tue la possibilité du meilleur rendement militaire.

Disons-le franchement ; vouloir à tout prix « mettre la charrue devant les bœufs, » dire arbitrairement : le temps de service sera de deux ans, sans arrêter au préalable les élémens des différentes formations nécessaires, l’effectif des combattans et l’effectif des non-combattans, c’est s’exposer volontairement, nous venons de le voir, à diminuer nos effectifs utiles ; c’est créer une armée de gardes nationaux.

C’est organiser la cohue, c’est préparer la défaite.