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une agitation dangereuse. De tout cela, nous avons fait la triste expérience lors de l’incident Schnæbelé.

Enfin, un vote des Chambres doit, constitutionnellement, précéder l’état de guerre déclaré, et il n’est pas besoin d’insister pour faire comprendre ce que cela comporte de temps précieux perdu. On peut dire, sans aucune exagération, que la différence des deux organisations politiques emporte un avantage de 48 heures au moins en faveur de l’Allemagne.

Loin de nous la pensée de récriminer, de faire intervenir les opinions politiques en une matière où le salut du peuple doit être la loi suprême. Mais il ne faut pas non plus que le loyalisme politique nous fasse perdre de vue la vérité militaire.

Tout arbre produit les fruits que comporte son espèce, et, si les fruits de l’organisation républicaine ont leur valeur dans le monde moderne, il faut cependant reconnaître qu’ils ne sont pas absolument d’essence militaire, et que les organisations politiques de nos voisins paraissent mieux douées sous ce rapport. C’est un devoir de ne pas se bercer d’illusions qui seraient payées beaucoup trop cher au jour du réveil.

Nous serons donc réduits à une situation générale défensive, puisque nous ne serons pas les premiers prêts. Nous ne pourrons pas, comme l’exigeait le comité militaire de 1790, nous organiser de manière à attaquer les ennemis dans leur propre pays et les empêcher par là de pénétrer dans nos provinces frontières et de les dévaster en y établissant le théâtre de la guerre. En outre, cette situation rendra plus difficile l’emploi des facultés d’offensive qui caractérisent la valeur exceptionnelle du soldat français, lequel ne pourra pas profiter de l’avantage que lui donnerait cette qualité maîtresse vis-à-vis d’un ennemi qui serait en retard au lieu d’être en avance.

Inversement, dans le deuxième ordre d’idées auquel nous nous étions arrêtés tout à l’heure, le fait que nous nous battrons en un champ clos préparé depuis trente ans atténue cette situation défavorable. Les fortifications pourront y aider. Ce palliatif a une grande importance ; car il est certain qu’il sera utilisé.

L’emploi des chemins de fer, pour des concentrations stratégiques convergentes où s’accumulent sans cesse les facilités de débarquement rapide, les approvisionnemens et le reste, rend absurde en effet toute hypothèse dans laquelle un des deux combattans se priverait de ce mécanisme, savamment combiné à