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pendant onze ans, de la territoriale pendant six ans, de la réserve de l’armée territoriale pendant six ans.

Malheureusement, le défaut de ces prévisions, de ce classement théorique, — qui paraissent tout prévoir puisqu’ils utilisent tous nos enfans sans exception, mais qui en réalité oublient de prévoir la guerre, — apparaît immédiatement. Visiblement, le projet de loi s’est demandé si le service devait être obligatoire et égalitaire ; certainement, il ne semble pas s’être demandé si cette organisation pouvait donner la victoire. La question avait deux faces : un côté social, un côté guerrier. Le premier a été envisagé, le second négligé. Et pourtant il s’agit d’une loi militaire.

On n’a pas cherché si cette foule armée est vraiment nécessaire, et, en admettant qu’elle soit nécessaire, comment les exigences de la guerre veulent qu’elle soit articulée ; s’il n’y a pas des économies d’argent possibles, un meilleur emploi des ressources, une répartition des armées obligatoire et entraînant des dispositions de recrutement spéciales. On a étudié les rapports de la loi avec nos institutions démocratiques : on ne s’est pas demandé quelle serait sa valeur quant au caractère particulier d’une lutte continentale, telle que celle dont la France est menacée.

C’était cependant la seule manière de définir d’une façon certaine le caractère et la durée du devoir militaire.

Le reproche que nous avons fait à ceux qui préconisent, a priori, un service d’un an, ou de deux ans, sans avoir étudié d’abord si cela correspond aux ressources dont nous disposons et aux nécessités de la guerre, s’appliquerait également, il est vrai, à ceux qui voudraient déterminer arbitrairement ces nécessités mêmes. Mais le facteur numérique à dégager, la proportion des échelons successifs, et, par conséquent, la répartition du contingent et du nombre des rengagés nécessaires, ne doivent être, même pour une loi de recrutement, ni laissés de côté, ni étroitement définis. D’autre part, l’organisation projetée ne peut se contenter d’être le produit véritablement trop simple d’une conception égalitaire, et doit, au contraire, prétendre à être la conséquence logique d’une méthode qui donne le meilleur rendement militaire possible, et les meilleures chances de succès. En résumé, le programme de nos lois militaires doit tenir compte de notre situation générale, de notre politique particulière, et surtout du caractère spécial des luttes qui nous menacent.