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même du pays, le billet de banque français n’a pas sensiblement fléchi au-dessous du cours, et que, dans la plupart des pays du monde, il a continué à faire prime.

Il y a lieu d’espérer que cette expérience décisive de la vitalité du crédit français, qui se suffit à lui-même, est un gage sérieux de sa solidité dans l’avenir.

Une autre raison intervient qui confirme ces heureux pronostics, c’est qu’il est permis de croire à la courte durée d’une guerre qui mettrait la France en conflit avec une autre puissance.

Cette assertion trouve sa preuve dans l’examen des conditions nouvelles faites aux guerres modernes par l’adoption universelle du système de la nation armée.

Lorsque, anciennement, les États jetaient à leurs frontières une armée aux effectifs limités, il était possible de faire des appels successifs aux réserves en hommes dont disposait la nation, de pousser aux frontières, à intervalles variables et selon les chances de la guerre, de nouveaux effectifs prélevés sur la réserve nationale, et, par conséquent, de faire durer la guerre. Les guerres du premier Empire en sont un exemple frappant. D’une manière constante, pendant que les armées combattaient à l’extérieur, des cadres renouvelés sans cesse préparaient en France de nouvelles unités, destinées à remplacer celles qui avaient péri ou qui étaient rapatriées.

En 1870, l’appel des dépôts, puis de la « Mobile, » puis des « mobilisés, » a pu prolonger l’effort, et balancer à certains momens le succès.

Récemment, la guerre faite par l’Angleterre aux Républiques sud-africaines nous a fourni un nouvel exemple ; et nous avons vu les morts et les rapatriés remplacés par de nouvelles levées qui, en maintenant les effectifs au même chiffre, permettaient la prolongation de la lutte.

Tous ces exemples s’entendent d’époques ou de peuples ne connaissant pas, ou n’appliquant pas, le système de « la nation armée. » Mais, sur notre continent, il en est, aujourd’hui, tout autrement.

Lorsqu’un peuple aura jeté dans la lutte, en une, deux ou trois fois au plus, la totalité de la nation armée, avec quels élémens pourrait-il prolonger la lutte ? D’autre part, l’épouvantable perfectionnement des engins de destruction augmente la consommation