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nos forces, les nécessités du temps de guerre en argent et en hommes. Il n’en est que plus indispensable de les envisager sérieusement, car elles constituent le second terme auquel doivent correspondre nos lois et notre organisation militaires. A vrai dire, et malgré qu’on en ait, c’est le terme principal. Il faut, surtout pour assurer la paix, pouvoir répondre aux nécessités d’une guerre éventuelle, et, si la situation paraît grave, le devoir commande d’espérer, fût-ce contre toute espérance, et de préparer à tout prix le succès.

Or, il est possible d’avoir une notion relativement précise des nécessités du temps de guerre comparées aux ressources de l’État, car elles sont, elles aussi, financières et humaines : elles feront appel au Trésor public ; elles demanderont au sol national les légions nécessaires.

Le Trésor public répondra en mettant à la disposition du gouvernement les sommes nécessaires à l’entrée en campagne, puis à l’entretien de la guerre.

Pour l’entrée en campagne, il n’est pas besoin en France, paraît-il, d’avoir recours à une provision comme celle que nos défaites ont mise à la disposition de l’Allemagne, et qui s’appelle « le Trésor de Guerre. »

La Banque de France possède une encaisse métallique qui dépasse les garanties nécessaires au billet de banque. La situation financière de l’État français est, pour le moment, supérieure à celle des autres États de l’Europe ; et, tant que nos capitaux n’émigreront pas à l’étranger, — ce que l’on ne saurait malheureusement pas garantir, — tant que notre richesse procurera des ressources inépuisables à l’impôt français, il y aura certitude que le milliard nécessaire à l’entrée en campagne, et chaque milliard nécessaire à chaque mois de campagne, n’excéderont pas les facultés éventuelles du Trésor. Il en serait de même, on peut le dire hautement, pendant toute la durée de la guerre. Il résulterait d’études faites en vue de cette éventualité par le ministère des Finances, et, si nous avons bonne mémoire, par M. Rouvier lui-même, études qui remontent déjà, il est vrai, à plus d’une dizaine d’années, mais qui n’ont pas cessé d’être exactes, que nos facultés de résistance financière en temps de guerre sont encore, et malgré le poids formidable de notre dette, les meilleures d’Europe. Il ne faut pas oublier qu’en 1870, même à l’époque la plus désastreuse, et lorsqu’on pouvait douter de l’existence