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loi de 1889 devait subsister, « elle ferait faillite, » suivant le mot énergique de M. Raiberti. Il importe que la loi nouvelle, qui va masquer provisoirement cette crise, tienne compte de cette perspective redoutable, si l’on veut que, à peine née, elle ne fasse pas faillite à son tour.

Comment se fait-il, demanderons-nous incidemment, que le rapport de M. Berteaux reste muet sur ce point ?

D’autant qu’à examiner la question des effectifs, il y a une crise qui leur est spéciale. C’est que la quantité des hommes « bons pour le service » n’est pas dans un rapport invariable avec la quantité des jeunes gens de vingt ans qui forment le contingent. En d’autres termes, il y a là encore une réalité douloureuse qui tend à aggraver la situation. Chacun sait que ce contingent, dont nous parlions tout à l’heure, se répartit actuellement en soldats (troupes et services), en exemptés, en dispensés, en hommes des services auxiliaires. Or, de l’expérience des dix dernières années, il ressort que la population des hommes répartis dans ces diverses catégories n’est pas restée constante. Les exemptés, les dispensés, les services auxiliaires ont toujours augmenté en nombre, et, par conséquent, les soldats « bons pour le service » ont diminué dans la même proportion : le contingent utile net a diminué plus vite que le contingent brut.

On prétend, — et ceci n’affaiblit pas notre assertion en ce qui est des autres catégories, — ou prétend que le nombre des exemptés est demeuré constant. Mais il suffit d’interroger un commandant de recrutement consciencieux pour savoir qu’il y a toujours eu, même en ce qui concerne les exemptés, une légère augmentation des hommes auxquels on a reconnu des titres à l’exemption et que ceux-ci, par suite des instructions ministérielles, ont figuré seulement parmi l’augmentation reconnue des services auxiliaires.

C’est un phénomène particulièrement grave ; il tend à démontrer que, si les naissances s’arrêtent, si le contingent diminue, si les effectifs sont amoindris, la qualité des soldats périclite.

Mais il y a plus : en vingt ans, nos coupables erremens et l’incurie qui règne au sujet de nos casernes, — dont les pires ne sont pas démolies pour peu que cela gêne les combinaisons politiques et les intérêts électoraux, — ont coûté à la France 67 021 soldats morts, pendant que l’armée allemande, aux effectifs