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la défense nationale, qui absorbe plus d’un milliard par an, ne paraît plus susceptible d’extension.

Les raisons en sont faciles à saisir. Notre budget général est un des plus chargés de la terre. Il semble correspondre à la limite des facultés contributives du pays.

Une dette écrasante réduit d’un tiers la quotité disponible, et le rapport de ce que coûtent la vie civile de l’Etat et sa vie militaire ne semble pas pouvoir être sensiblement modifié.

Enfin, dans la vie militaire elle-même, le rapport entre les différentes catégories de dépenses militaires, navales ou coloniales, ne semble pas moins invariable.

Est-ce à dire que nous devions, comme certains esprits l’ont prétendu, opter résolument entre la puissance sur terre et la puissance sur mer, sérier nos adversaires possibles, et chercher nos économies dans les suites d’une victoire, ou bien sur terre, ou bien sur mer ?

A dire vrai, une pareille politique eût été digne d’examen, si, dès le lendemain de la guerre, nous eussions adopté un programme de revanche à court terme qui nous eût permis, avant que nous eussions commencé notre mouvement d’expansion coloniale, et pendant que nos contingens augmentaient encore, de faire sur la Marine les économies nécessaires, et de pousser jusqu’au paroxysme l’effort militaire et financier, de telle sorte que de cette tension d’héroïsme surgît la résolution de vaincre.

Aujourd’hui, disons-le franchement, pareille thèse n’est plus soutenable. Et les raisons en sont nombreuses : d’une part, les conséquences d’une défaite, qui ne s’est point limitée à la signature d’un traité, mais qui se multiplie sur tous les terrains, politique et économique, industriel et commercial, partout en un mot où se porte l’émulation des peuples, partout où se répercute l’écho de notre chute ; d’autre part, l’obligation de compter avec un empire colonial où se résument heureusement les espérances de la patrie ; la nécessité, aussi, où nous nous sommes trouvés de répondre à des coalitions par des alliances, de telle sorte que nous devons aujourd’hui prêter à nos alliés assistance sur mer et sur terre ; enfin et surtout, l’effort maritime colossal fait en ce moment par l’Allemagne et les Etats-Unis. Ces considérations, qu’il ne serait, hélas ! que trop aisé de développer, suffisent à démontrer que nous n’avons plus, en pareille matière, la liberté de notre choix, et nous devons, aujourd’hui comme hier, développer