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au pays la preuve qu’ils mesurent les difficultés de la lutte à prévoir et qu’ils connaissent les moyens du peuple qui la supportera. A celui-ci, ils doivent donner l’assurance qu’ils sauront proportionner les sacrifices à la nécessité de vaincre. C’est ce devoir qu’il semble que l’on commence à comprendre.

De tous côtés, on demande une séparation du « combattant » et du « non-combattant, » et une meilleure constitution des « cadres. » Espérons qu’il y a déjà là le premier germe des réformes nécessaires.

En ce qui nous concerne, nous ne saurions avoir la prétention de verser au débat des documens nouveaux, de formuler des conclusions inattendues et révélatrices. Mais, au moment où les discussions qui touchent à l’intérêt national le plus sacré s’ouvrent dans un vif désaccord, nous voudrions simplement rappeler qu’avant de décider si nous devons être dotés du service de deux ans, ou d’un service encore plus réduit, il eût peut-être été utile de juger ce que semblable réforme suppose ; d’examiner, par conséquent, dans toute son ampleur la réorganisation possible de nos institutions militaires ; et de rechercher, dans un débat de cette importance, quel est le rapport possible des facultés du pays aux nécessités de la lutte.

L’organisation militaire projetée doit donc être conçue comme un édifice de jonction, une sorte de pont, dont il faut calculer la portée avant que le plan n’en soit arrêté. Il faut que la construction en soit objective, et que ses dimensions soient mesurées d’après l’écartement des deux points d’appui donnés : le sol national avec ses ressources, le théâtre d’opérations avec ses exigences. C’est dire que la durée du service ne peut être une chose arbitraire, susceptible d’être examinée au préalable. Elle est nécessairement une conséquence.

L’importance des luttes modernes, que le moindre différend peut faire surgir, et qui soulèvent aussitôt pour une nation la question de vie ou de mort, oblige aujourd’hui à mettre en mouvement la totalité des ressources d’un État ; et, par cela même, intervient la notion que ces ressources sont limitées.

Ce n’est plus comme autrefois, où le maréchal de Broglie pouvait aller « guerroyer dans les Allemagnes ; » ce n’est plus le temps où la vie de nos provinces se continuait durant que les troupes du Roi faisaient, en bataillant, monter l’impôt. Ni 1709, ni même 1792 et 1814, ni même 1870-71, ne peuvent donner