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qu’elle comportait mettraient à la charge des populations des dépenses nouvelles, qu’elles ne seraient pas en état de supporter, après les sacrifices que leur avait imposés la dernière guerre et les contributions stipulées par les traités de paix.

Au contraire l’armée de Crimée, d’Italie, de Chine, du Mexique dont le prestige demeurait toujours intact était redoutable. Elle manquait de certaines facilités de mobilisation encore à l’étude, mais grâce aux anciens soldats et aux sous-officiers éprouvés, maintenus dans ses rangs par la loi de l’exonération, elle possédait une cohésion, une solidité que n’avait pas l’armée prussienne. Au 1er avril, elle comptait 385 000 hommes ; au 15 mai 455 000[1]. Sa seule faiblesse, celle du fusil, car elle n’était pas encore inférieure par l’artillerie, disparaissait chaque jour. Déjà elle avait à sa disposition 500 000 chassepots.

Bismarck était trop avisé pour risquer ses immenses profits de 1866 dans une rencontre avec la France avant d’avoir mis de son côté toutes les chances que la volonté humaine peut arracher à la fortune. Déplorons que l’opinion de Moltke n’ait pas prévalu, et que la guerre, puisqu’elle était inévitable, n’ait pas éclaté en 1867. La guerre n’étant pas la pire calamité qui puisse affliger un peuple, l’avoir évitée n’est pas toujours un mérite.


EMILE OLLIVIER.

  1. Discours du maréchal Niel du 16 juillet 1867.