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appelé la solution belge : — La Belgique, moyennant une indemnité pécuniaire, acquerrait le Luxembourg et céderait à la France une bande de territoire comprenant les petites forteresses qui nous avaient été laissées en 1814 et reprises en 1815. Bismarck accueillit cette idée comme un expédient pratique fécond. Guillaume ne fut pas du même avis ; il lui écrivit : « La longue dépêche du comte que vous m’avez renvoyée, touchant son entretien avec Moustier, m’a de nouveau donné l’éveil sur la façon dont des vues à demi exposées peuvent être interprétées et utilisées. C’est l’histoire du piège que, dans la question luxembourgeoise, nous aurions tendu à l’empereur Napoléon, c’est pour cela que votre rapport d’hier au sujet du projet de Wimpffen[1], et la réponse que vous avez donnée, m’a considérablement pris sur les nerfs, parce que si ce projet parvenait à Paris, et que les vues à demi présentées par nous se trouvent irréalisables, nous devrions être de nouveau considérés comme des tendeurs de pièges (13 avril). »

Moustier et Rouher, acharnés à leur mesquine politique des grignotemens, manifestèrent le désir d’accepter la suggestion et l’exprimèrent à Metternich. Alors l’Empereur comprit la petitesse de la conduite où on l’avait engagé. Reprenant ses véritables principes de désintéressement, il déclara qu’il ne voulait pas « se donner l’apparence d’avoir poursuivi un but de conquête ou d’agrandissement en négociant la question du Luxembourg. » Les Belges refusèrent aussi, et cette combinaison fut abandonnée.

Enfin, Stanley, poussé par Cowley l’ambassadeur anglais à Paris, qui nous montra une réelle vivacité d’amitié, consentit à sortir de son abstention. Il répugnait encore au mot conférence, car il n’en concevait aucune tant que les parties dissidentes ne s’engageraient pas à accepter la décision de la majorité ou ne s’entendraient pas sur les points principaux d’un programme commun, et on n’en était pas là. Toutefois il chargea Loftus, ambassadeur à Berlin, d’exprimer « le regret qu’éprouverait le gouvernement de Sa Majesté à voir un commencement de guerre éclater entre la France et la Prusse pour un objet qui a en apparence si peu d’importance pratique, surtout qu’une telle guerre ne pourrait manquer de retarder la consolidation de l’Allemagne

  1. L’ambassadeur d’Autriche à Berlin.