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viendrait à être menacée du côté de l’Allemagne (27 février 1867). « Vous arrivez à propos, dit Moustier, nous sommes tout à fait disposés à vous garantir contre une agression de l’Allemagne par un traité en forme, pourvu que, de même, vous veuilliez nous céder le Luxembourg. Ce n’est pour vous qu’un fardeau dont nous sommes prêts amicalement à vous décharger. Vous n’avez rien à redouter de la Prusse. Sondée par nous, elle nous a déclaré qu’elle ne s’opposerait pas à cette cession, parce qu’ensuite elle pourrait honorablement évacuer la forteresse sans blesser le sentiment allemand, ce qu’elle ne pourrait pas faire sans cette cession préalable : elle se laissera en quelque sorte forcer la main. Ce n’est pas l’esprit de conquête qui inspire l’Empereur : les derniers agrandissemens de la Prusse, son occupation arbitraire de la forteresse nous en font une loi politique et stratégique. Stratégiquement, nous ne pouvons laisser entre ses mains une forteresse de premier ordre assise en quelque façon sur notre frontière ; politiquement, l’Empereur ne pourrait souffrir longtemps la situation arbitraire de la Prusse, sans irriter l’amour-propre de son peuple. Cet amour-propre, déjà froissé au plus haut degré, l’obligerait à la guerre dans un temps plus ou moins rapproché, guerre qui, quel que soit le vainqueur, se terminerait aux dépens du Roi grand-duc, qui y perdrait probablement le Luxembourg et le Limbourg. Dites cela à votre gouvernement. »

Moustier ne s’était pas fié au seul ministre des Pays-Bas pour manifester ses intentions à La Haye. Il avait mandé Baudin, notre ministre, et, sans lui prescrire encore d’adresser une demande officielle, il le chargea de préparer les esprits par ses conversations, soit avec les ministres, soit avec Sa Majesté. Il devait indiquer, comme but principal, celui que le roi de Hollande s’était lui-même proposé : d’affranchir le Grand-Duché des servitudes fondées sur le système politique établi contre la France. « Le gouvernement néerlandais a échoué dans les négociations directes avec la Prusse ; il serait à craindre qu’une démarche officielle faite à Berlin par le gouvernement de l’Empereur ne soulevât une discussion où l’amour-propre national serait mis en jeu des deux côtés. Ce que le cabinet de Berlin ne veut pas concéder au roi des Pays-Bas pourrait devenir entre la Prusse et nous l’objet d’une transaction honorable et amicale. Il n’est pas probable, en effet, que le gouvernement prussien,