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ce vote, sur la volonté définitive que ces populations auront ainsi manifestée. Mon opinion a toujours été qu’une population qui manifeste sa volonté incontestable de n’être pas prussienne ou allemande, qui manifeste une volonté non moins incontestable de se réunir à l’Etat voisin dont elle est limitrophe et qui appartient à la même nationalité, n’ajoute aucune force à la puissance dont elle veut se séparer. On peut avoir des motifs impérieux de ne pas céder, cependant il peut exister des obstacles de nature géographique qui rendent impossible d’avoir égard à leur désir. Il s’agit de savoir dans quelle mesure cela s’applique au cas présent. La question reste ouverte. Nous avons dit, toujours en la discutant, que nous ne pouvions compromettre, par quelque arrangement que ce fût, notre ligne de défense militaire. »

Puis, élevant la question, il détermina les rapports de la France et de la Prusse : « Les intérêts de la Prusse n’ont rien en soi qui ne nous fasse pas désirer la paix et des relations amicales de voisinage. D’une guerre avec la France, fût-elle heureuse, nous n’aurions rien à gagner. L’empereur Napoléon, au contraire des autres dynasties françaises, a reconnu en sa sagesse que la paix et la confiance mutuelles sont dans l’intérêt des deux peuples naturellement appelés, non à se combattre l’un l’autre, mais à marcher ensemble, en bons voisins, dans la voie progressive du bien-être et de la civilisation. Il n’y a qu’une Prusse indépendante qui puisse entretenir de semblables relations avec la France, vérité que les sujets de l’empereur Napoléon ne reconnaissent peut-être pas tous également, mais nous n’avons officiellement affaire qu’avec le gouvernement français : une telle marche côte à côte exige la réciprocité de bienveillance et de ménagemens des deux peuples[1]. »

Ces paroles, dont beaucoup avaient été ajoutées après coup au compte rendu, seraient vraiment bonnes si elles avaient été sincères. On les crut telles à Paris ; mais Bismarck lui-même nous apprend combien elles l’étaient peu : « J’admettais comme absolument certaine dans la voie de notre développement national, tant au point de vue intérieur qu’à celui de l’extension au delà du Mein, la nécessité de faire la guerre contre la France. Dans tout ce qui allait être fait, à l’intérieur comme à l’extérieur,

  1. Bismarck lui-même l’a dit à Benedetti qu’il rencontra dans une chasse du Roi.