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mais non d’imprimer ce fait patent, que les vieilles gens ont les cuisses débiles ; » qu’il traite convenablement les ministres des petits Etats, même lorsqu’ils infligent aux assemblées leurs phrases prudhommesques (30 novembre). » Il ne perd pas de vue Brass. — « Brass dit que l’annexion de Hanovre n’est ni légitime ni morale. C’est insensé. La conquête dans une guerre juste est un titre d’acquisition aussi juste que moral. D’où proviennent les Etats existans ? ni d’héritages, ni de cadeaux, ni d’achats. La souveraineté des princes allemands sort d’une origine qui n’a rien de légitime et de moral ; par ses arguties, la Gazette de l’Allemagne du Nord nuit à la claire notion du droit de conquête loyale dans une guerre qui nous a été imposée (à force de le dire aux autres il avait fini par se le persuader à lui-même). »

Il mandait à ses collègues : « En ce qui concerne les chefs d’administration des nouvelles provinces, y compris le Sleswig-Holstein, les ministères appelleront leur attention sur ce point qu’ils gardent jusqu’au 1er octobre 1867, sans être limités par les lois locales, une puissance absolue dont ils ont à faire usage contre les élémens récalcitrans, d’après ce principe : — Si on ne veut pas t’aimer, qu’on te craigne. »

Benedetti, revenu frais et dispos à son poste le 15 novembre, on l’annonce à Bismarck comme pour l’inviter à venir conférer avec lui. La comtesse répond à Keudell : « Benedetti ne l’inquiète pas ; il y a longtemps qu’il lui a retiré sa confiance ; les faits et gestes de ce monsieur, il s’en fiche bien ; ce n’est point par lui qu’il se laisserait déranger. » Il avait accueilli notre ambassadeur d’abord avec confiance, comme l’envoyé d’un allié ; il lui racontait volontiers ses affaires et lui dévoilait ses intentions ; mais, lorsqu’il s’aperçut que Benedetti, dès qu’il abordait un sujet délicat, se dérobait, il se montra lui-même défiant et refroidi. Lorsque encore, après Sadowa, l’ambassadeur aimable se transforma en messager d’objurgations menaçantes, il se mit tout à fait sur ses gardes, craignant que l’armée française ne fût au bout ; puis, s’étant assuré que ces foudres étaient froides et ne brûleraient pas, il le trouva impatientant et finit par discuter à peine avec lui sur le ton d’une tranquille indifférence. Après le petit papier belge, il ne lui accorda plus aucune considération et n’en tint plus de compte.

Il rentra à Berlin le 1er décembre, rappelé à la fois par les affaires extérieures, par l’agitation de plus en plus intense du