Comme tous ses collègues de la diplomatie, il appartenait à l’école de Talleyrand et de Thiers, celle de l’équilibre ; prisait fort peu le principe des nationalités, quoiqu’il lui eût prêté quelque secours en Roumanie et en Serbie ; et prenait son parti de l’unité italienne, sans s’en féliciter, tout à fait aux regrets des récens agrandissemens de la Prusse, considérant, lui aussi, la bataille de Sadowa comme une défaite française. Quand, après quelques propos vagues échangés à Biarritz avec l’Empereur, à son arrivée en France (octobre 1866), il vint prendre possession de son poste à Paris, il se mit facilement d’accord avec Rouher sur la nécessité de continuer les négociations secrètes sur la Belgique et le Luxembourg, entamées par Benedetti en août, et interrompues par le départ de Bismarck pour la campagne. Ce fut d’un commun accord l’affaire principale à laquelle il fallait sacrifier toutes les autres. Pour avoir les mains plus libres, il commença par liquider le passé encombrant de l’occupation romaine.
La nature des relations entre la France et l’Italie avait changé. Jusqu’en 1866 l’Italie, n’ayant d’espérance qu’en nous, se montrait maniable, et ce n’était pas pour ses ministres une cause de faiblesse que d’entretenir des relations amicales avec l’empereur des Français. Elle n’imaginait pas que la Prusse pût l’aider à quoi que ce soit et surtout à reconquérir les provinces vénitiennes, qu’en 1859 le roi Guillaume avait contribué à assurer à l’Autriche par ses menaces d’intervention. Elle comptait exclusivement sur l’amitié de la France, et le besoin absolu qu’elle en avait, donnait à nos conseils une force et une autorité particulières. Maintenant que nous l’avions poussée nous-mêmes dans les bras de la Prusse, elle se croyait assurée d’un appui contre nous ; sa préoccupation était de marquer son indépendance ; et même lorsqu’elle suivait nos avis, ses ministres en professaient le dédain. Toutefois cet état d’esprit se manifesta d’abord prudemment. Par notre occupation de Rome, nous empêchions encore les Italiens d’être tout à fait maîtres d’eux-mêmes, et ils nous laissèrent multiplier les précautions afin que notre départ ne devînt pas fatal à la sécurité du Pape.
Moustier notifia, en termes qui ne permettaient aucune équivoque, que le gouvernement français ne supporterait pas la violation des engagemens pris par l’Italie pour la protection du territoire pontifical. L’Empereur ayant souvent répété qu’il n’y avait pas lieu de s’arrêter à ce que disaient ou faisaient ses