Page:Revue des Deux Mondes - 1904 - tome 21.djvu/244

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’Afrique nous donnerait pour voisins à l’Est les Italiens et à l’Ouest les Espagnols, nous pourrions bien avoir à regretter un jour les voisinages inoffensifs qui assurent en ce moment la sécurité de l’Algérie.

Nous avons demandé le Maroc, l’Angleterre nous l’abandonne ; elle nous demande l’Egypte, nous la lui abandonnons. Elle y est à la vérité depuis plus de vingt ans, et tant de fautes, au moment initial et depuis, ont été commises par nous sur ce terrain, qu’il est devenu difficile d’échapper désormais à leurs conséquences. Nous consentons à une telle transformation de la Caisse, de la Dette qu’elle ne sera plus que l’ombre d’elle-même. Encore une institution dont nous avons bien mal su nous servir ! Nous avions fait reconnaître par les tribunaux notre droit de mettre opposition à l’emploi que le gouvernement anglo-égyptien voulait faire des réserves de la Caisse. Rien de mieux ; mais, le lendemain, il aurait fallu montrer de la bonne volonté, de la bonne grâce même à l’Angleterre, et entrer en relations permanentes avec elle sur l’utilisation des réserves, en vertu du principe do ut des. Au lieu de cela, nous avons veillé sur les réserves à la manière du chien du jardinier qui n’en use pas et empêche les autres d’en user, jusqu’au moment où nous livrons tout à la fois, et les réserves démesurément accrues, et la Caisse elle-même où elles ne se reformeront plus, et qui perdra d’ailleurs le caractère d’une institution diplomatique. Ce n’est pas un reproche que nous adressons aux négociateurs d’hier, ou du moins ce reproche s’adresse beaucoup plus au passé qu’au présent. Peut-être ne pouvait-on pas faire aujourd’hui autrement qu’on n’a fait. Mais on ne saurait se méprendre sur le caractère de nos concessions. Au surplus, la lettre de lord Lansdowne est, encore sur ce point, très explicite. Après avoir dit que le traité autorise le gouvernement britannique à nommer des consuls dans les cités et les ports du Maroc et à établir la juridiction consulaire sur les sujets britanniques, la lettre continue ainsi : « Il est nécessaire que j’ajoute quelques mots au sujet des autres points sur lesquels les droits internes de souveraineté du gouvernement égyptien sont soumis à l’intervention internationale. Ce sont les conséquences du système connu sous le nom de capitulations. Il comprend la juridiction des cours consulaires et des tribunaux mixtes, ces derniers appliquant une législation qui exige le consentement de tous les États européens et de quelques autres non européens avant de pouvoir être modifiés. D’après l’opinion de lord Cromer, le temps n’est pas encore venu pour aucun changement organique dans cette voie, et le gouvernement de Sa Majesté n’a pas dès lors, dans les circonstances