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Palestrina ; une autre, la dernière et qui ne parut pas indigne des précédentes, composée par don Lorenzo Perosi. Cela suffisait à rappeler que le Motu proprio de Pie X est une loi de grâce ainsi que de rigueur ; elle définit l’esprit et le rôle de la musique moderne à l’église, mais elle ne va pas jusqu’à la condamner. Et même, en vertu d’un ancien privilège, à l’entrée comme à la sortie du cortège pontifical, ainsi qu’au moment de l’élévation, les trompettes, les fameuses trompettes d’argent, ont par trois fois sonné. Il est à souhaiter qu’elles sonnent toujours ; à l’instant le plus mystérieux du sacrifice, quand toute bouche humaine se tait, quand le prêtre même parle bas, il est beau que leur appel héroïque jaillisse tout à coup de leurs lèvres de métal. Il est encore plus désirable qu’elles sonnent autrement, c’est-à-dire autre chose qu’une marche vulgaire ou qu’une cavatine de théâtre. Et nous savons que, pour l’avenir, le Saint-Père y a déjà pourvu.

« Gregorius consul, » dit l’histoire. Un hymne de la liturgie dit aussi « Gregorius præsul. » Comme à saint Grégoire lui-même, la préséance appartint, dans la cérémonie de Saint-Pierre, au chant grégorien. Il y parut sous tous ses aspects ; il y manifesta toutes ses beautés. Une fois encore, on s’aperçut que, par un retour commun aux choses d’ici-bas, la plus vieille forme de la musique peut nous donner les impressions que nous demandons, — parfois en vain, — à l’art le plus nouveau. En un temps de polyphonie et d’orchestre à outrance, le chant grégorien nous rend les délices, depuis longtemps perdues, de la mélodie strictement homophone et vocale. Il restitue en quelque sorte une catégorie de l’idéal sonore : l’unisson. Admirable par la beauté des Lignes, la mélodie grégorienne l’est également par la diversité des modes ; elle l’est encore par un élément qui lui est propre, par son rythme, dont la mesure moderne peut envier la liberté, voire la fantaisie. Autant que mélodie, le chant grégorien est mélopée, vocalise même, une vocalise délicieuse d’élégance, voire de caprice. Enfin il est récitatif. Jamais la symétrie ni la carrure ne l’emprisonne ou ne l’alourdit. « Un canto che parla ; favellar in musica, » toutes les définitions de la musique oratoire ou du discours musical se vérifient et se réalisent en lui.

On a traité cet art de monotone. Est-il donc un état, un mouvement religieux de l’âme qu’il ne soit capable d’exprimer ? Il a pour domaine ce que dom Pothier nommait un jour très bien « la partie affective de la prière. » Autant que méditation, il est action, passion même, et pas plus que de monotonie on ne saurait l’accuser de froideur et d’insensibilité. Certaine séquence en l’honneur de saint Grégoire, superbe