marché toute la nuit, gris de fatigue, de chaleur et de vin. Tenus à distance du palais, ils vociféraient des menaces et exigeaient le départ immédiat de la famille royale qu’ils s’étaient engagés à ramener à Reims, pour la donner en spectacle à la population[1].
Le Roi répondit docilement « qu’il allait s’habiller, qu’il irait à l’office — ce jeudi 23 était le jour de la Fête-Dieu — et partirait, selon le désir du peuple, aussitôt après son dîner[2]. »
A dix heures, en effet, il sortait de son appartement, et se rendait à la messe : au seuil des salons, sur le palier de l’escalier, les gardes nationaux et les archers de la ville faisaient la haie, présentant les armes[3] ; dans la chapelle de l’Intendance, à mi-étage de l’aile gauche, l’abbé Chalier, curé de Notre-Dame, se disposa à officier[4].
Les premières prières ne sont pas terminées qu’un grand tumulte s’élève dans la cour du palais ; les Rémois sont parvenus à forcer les sentinelles ; ils se poussent dans le vestibule et dans le bel escalier de pierre, à rampe de fer doré, qui conduit à la chapelle ; ils clament à plein gosier que : « Capet est assez gras pour ce qu’on en veut faire ; » qu’ils se chargent « de confectionner des cocardes avec les boyaux de Louis et d’Antoinette, et des ceintures avec leurs peaux ; » — d’autres demandent « leurs cœurs et leurs foies » pour les cuire et les manger[5].
Les municipaux châlonnais parviennent à apaiser ces forcenés, et la messe se poursuit ; mais, quelques instans plus tard, un grand bruit de vitres cassées[6] et des « cris effrayans » mettent tout le palais en émoi. Cette fois, on affirme que Capet est enlevé, que les troupes ennemies approchent, que Bouillé est aux
- ↑ « La garde nationale de Reims, arrivée, a manifesté le projet de faire passer le Roi et sa famille par Reims pour retourner à Paris.
« Dans le même temps, on a semé dans le public des bruits inquiétans, en supposant aux corps administratifs l’intention de faire rester le Roi à Châlons la journée entière pour en favoriser l’enlèvement ou la fuite. » (Procès-verbal de ce qui s’est passé à Châlons.) - ↑ Ibid.
- ↑ « Aux archers de la ville de Châlons pour journée et nuit par eux passées lors de l’arrestation du Roi, 36 livres. » Etat des dépenses.
- ↑ Cette chapelle, quoique désaffectée, n’a pas été modifiée, c’est une petite pièce avec un renfoncement en forme d’alcôve, contenant l’autel et lambrissé, blanc et or, de belles boiseries Louis XV.
- ↑ Relation de Moustier.
- ↑ « Au sieur Mathieu, vitrier, la somme de 13 livres pour carreaux cassés à l’Intendance lors du passage du Roi. » Etat des dépenses.