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flânent autour de la ville avec une certaine démarche d’une gravité nonchalante, ou ils s’assoient dans la rue devant les cafés. D’autres se réunissent pour des jeux, ordinairement très simples : on parie, par exemple, à qui lancera le plus loin de lourdes pierres. Mais toujours on les voit par groupes, vêtus de costumes variés, et dans des attitudes pittoresques. Ils semblent jouir de la vie avec une certaine placidité réfléchie, qu’on chercherait vainement dans nos régions du Nord. C’est ainsi que je me figure les anciens, et c’est pourquoi j’aime à me mêler à ces groupes ambulans. A cela s’ajoutent des couchers de soleil où le rouge feu passe au bleu profond à travers toutes les nuances de l’arc-en-ciel. C’est un spectacle qu’on ne saurait décrire, surtout quand la ligne des montagnes se détache sur un fond d’or. C’est alors aussi l’heure où les campagnards retournent à leurs villages avec leurs chevaux et leurs ânes ; ils sont vêtus de manteaux de laine blanche, qui flottent sur leur taille martiale. Des groupes plus nombreux stationnent autour des fontaines ; les uns lavent des étoffes, d’autres font boire les chevaux, les ânes ou les chameaux, d’autres encore viennent simplement pour bavarder. Ainsi l’œil est occupé de tous les côtés, sans parler des charmes du paysage. » il n’y a qu’une seule ombre au tableau : Curtius remarque avec déplaisir que le nom allemand n’est pas en grand honneur parmi les indigènes, tandis que le français est la seconde langue du pays ; dans les cercles distingués, ajoute-t-il, on pourrait se croire à Paris.

Ses fonctions de précepteur ne lui pesaient pas ; il enseignait et il apprenait, le tout sans ennui. « Je prends mes élèves dès sept heures du matin, écrit-il ; à huit heures, on déjeune ; à midi, toutes les leçons sont finies ; elles me laissent sans fatigue, et me donnent à moi-même l’occasion de m’instruire. Le reste du jour m’appartient ; je vais voir les temples, les marbres, les inscriptions. )) Il suit les fouilles du Parthénon : « Les architectes sont mes amis ; je les accompagne dans leurs travaux ; j’apprends à connaître maintes particularités qui n’ont pas encore été remarquées. Autant le Parthénon frappe par sa simplicité dans une vue d’ensemble, autant, lorsqu’on le considère de près, il étonne par l’exactitude minutieuse avec laquelle tous les détails sont combinés. » L’idée d’une description de la Grèce, expliquant l’histoire par la géographie, surgit dès lors dans son esprit et l’accompagne dans ses excursions. Dès le mois d’octobre 1837, il