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dire. » Ce fut en effet sous l’influence de sa toute petite, mais impérieuse femme, que le Duc du Maine s’engagea dans la conspiration de Cellamare, dont la découverte amena son arrestation, le 29 décembre 1718. Nous pouvons supposer l’émotion et le chagrin que cette arrestation causèrent à Mme de Maintenon, mais nous n’en avons pas le témoignage écrit. La correspondance de Mme de Maintenon avec Mme de Caylus s’arrête malheureusement avant cette date. Sa dernière lettre est du 27 juin 1718. Nous ignorons quelles causes mirent fin à cette correspondance. En tout cas, ce ne fut pas un refroidissement entre la tante et la nièce, car la dernière lettre de Mme de Maintenon se termine par ces mots : « Adieu, ma chère nièce ; vous êtes véritablement trop aimable pour vous montrer à ceux qui veulent tout quitter. » A la fin de 1718, Mme de Caylus tomba malade, et, lorsqu’elle fut convalescente, peut-être se trouva-t-elle trop faible pour écrire de longues lettres hebdomadaires. Peut-être la même raison fit-elle tomber la plume des mains de Mme de Maintenon, car sa faiblesse physique allait croissant, et elle disait que la pensée des lettres qu’elle avait à écrire l’étouffait. Mais la tête restait bonne. Ses dernières lettres sont les plus clairvoyantes. Aucun des dangers qui menacent la France ne lui échappe. Elle en prévoit à bref délai « le renversement, » et déjà elle croit voir dans Paris « des barricades. » Comme elle a prévu le schisme, elle prévoyait aussi la Révolution, et c’est par ces paroles prophétiques que se clôt, ou peu s’en faut, l’intéressant recueil de ses lettres où, jusqu’à la veille de sa mort, on la retrouve telle qu’elle s’était montrée toute sa vie : judicieuse, mesurée, parfois un peu sèche dans la forme, mais, au fond, sensible et triste. Le 15 avril 1719, avec calme et sérénité, elle rendait son âme à Dieu.

Mme de Caylus lui survécut dix ans. Elle précéda de quelques mois dans la tombe Mme de Dangeau et Villeroy. Jusqu’à la fin, elle demeura en relations assez intimes avec le Duc du Maine auquel, en 1727, elle eut même la singulière idée de conseiller, alors qu’il n’y avait pas huit ans qu’il était sorti de prison, de s’essayer à capter la confiance du jeune Roi et à jouer un rôle politique. Le Duc du Maine, dans une lettre qui a été retrouvée, lui répond avec beaucoup de sagesse, et, après l’avoir remerciée des sentimens favorables qu’elle a sucés presque avec le lait auprès d’une personne dont la mémoire lui sera toujours chère et respectable